L’histoire de la Saga Metroid

De Zebes à Beyond, 40 ans d’odyssée
Metroid…Je ne vous le cache pas, il s’agit de la saga de jeu vidéo la plus chère à mon cœur, mon plus grand amour vidéoludique et après 18 ans d’attente, Metroid Prime 4 Beyond est ENFIN sorti. Pour cette occasion, je vous propose de découvrir ou de redécouvrir cette saga qui fait mon bonheur depuis maintenant 30 ans.
Née en 1986 sur Famicom Disk System sous la houlette de Gunpei Yokoi et de la division R&D1, la série Metroid a progressivement inventé un langage du level design basé sur l’exploration, le backtracking et l’obtention de pouvoirs au point de donner son nom, avec Castlevania, au sous‑genre, le Metroidvania. Elle a aussi brisé un tabou en révélant, à la fin du premier épisode, que l’armure massive que l’on croyait masculine cachait une héroïne : Samus Aran.
En parallèle, la série adjacente Metroid Prime a relevé un défi que beaucoup jugeaient suicidaire au début des années 2000 : transposer cette formule fondée sur l’exploration lente et l’atmosphère dans un moteur 3D à la première personne, sur GameCube, puis Wii avec à la clé un développement cauchemardesque, mais un succès critique qui a propulsé Retro Studios au rang de partenaire clé de Nintendo.
Ce qui suit est un voyage chronologique, mais aussi “archéologique” jusqu’à Beyond, qui boucle l’arc Prime avec de nouveaux pouvoirs psychiques pour Samus et un monde plus ouvert sur deux générations de Switch.
Les grands épisodes Metroid & Metroid Prime
| Jeu | Année | Plateforme principale | Type | Place dans la chronologie interne approximative |
| Metroid | 1986 | Famicom Disk System / NES | 2D | Origines de Samus sur Zebes |
| Metroid II: Return of Samus | 1991 | Game Boy | 2D | Extermination des Metroids sur SR388 |
| Super Metroid | 1994 | Super NES | 2D | “Metroid III”, affrontement final avec Mother Brain |
| Metroid Fusion | 2002 | Game Boy Advance | 2D | Infection par le parasite X, Metroid IV |
| Metroid: Zero Mission | 2004 | GBA | 2D | Remake enrichi du 1, épilogue infiltration |
| Metroid: Samus Returns | 2017 | 3DS | 2D (remake) | Remake de Metroid II |
| Metroid Dread | 2021 | Switch | 2D | Suite directe de Fusion, conclusion de l’arc Metroids |
| Metroid Prime | 2002 | Gamecube | 3D “first‑person adventure” | Entre Metroid 1 et 2, découverte du Phazon |
| Metroid Prime 2: Echoes | 2004 | Gamecube | 3D | Suite directe, planète Aether & mondes lumineux/sombres |
| Metroid Prime Hunters | 2006 | DS | 3D orienté FPS | Entre Prime 1 et 2, chasseurs rivaux |
| Metroid Prime 3: Corruption | 2007 | Wii | 3D | Clôt (un temps) l’arc Phazon |
| Metroid Prime: Federation Force | 2016 | 3DS | 3D coopératif | Après Prime 3, focus sur la Fédération |
| Metroid Prime 4: Beyond | 2025 | Switch & Switch 2 | 3D | Après Federation Force, nouvel arc avec Sylux |
Les origines (1984–1991)
Mais enfin Exar, c’est quoi un Famicom Disk System ?
Avant d’être une cartouche grise iconique en Occident, Metroid est né sur un support que l’Europe n’a jamais connu, le Famicom Disk System (FDS).
Lancé en 1986 au Japon, ce lecteur se branchait à la Famicom (la NES japonaise) et utilisait des « Disk Cards », sortes de disquettes jaunes propriétaires. Pourquoi c’est important pour Metroid ?

Le son qui change tout : Le FDS ne servait pas qu’à lire des données. Il embarquait une puce sonore supplémentaire (synthèse FM) capable de gérer des sons plus profonds et métalliques. La bande-son originale de Metroid sur FDS est donc plus riche et plus angoissante que la version NES que nous avons eue, qui a dû être downgradée techniquement.
La sauvegarde réelle : Grâce à la disquette réinscriptible, les joueurs japonais pouvaient sauvegarder leur partie (3 slots) dès 1986. Nous, pauvres occidentaux, avons dû noter des mots de passe de 24 caractères parce que les piles de sauvegarde coûtaient encore trop cher à intégrer dans les cartouches américaines à l’époque.

L’écran de chargement « Zelda » : Le FDS était lent. Entre deux zones, il y avait des temps de chargement (« Now Loading… »). Pour faire patienter, Nintendo a réutilisé une astuce : le bruitage de chargement du FDS est quasi identique à certains sons de Zelda.
NB : Au Japon, on pouvait aller dans des bornes « Disk Writer » en magasin pour effacer son jeu et en graver un nouveau pour 500 yens, soit environ 5€ qua iy ybe cartouche coûtait plus de 60€ en coût. Combien de copies originales de Metroid ont été effacées par des enfants voulant jouer à Super Mario Bros. 2 ? Le patrimoine a parfois été cruel ! Et pourquoi le système n’a pas marché ? Je vous laisse deviner…Les éditeurs tiers voulaient plus d’argent donc …..RIP le FDS
1.Metroid Famicom Disk System / NES, 1986
L’année cosmique 20X5. Les Pirates de l’Espace attaquent un vaisseau de la Fédération Galactique et volent des capsules contenant une forme de vie inconnue découverte sur la planète SR388 : les Metroids.
Ces organismes flottants sont capables d’absorber l’énergie vitale de n’importe quelle proie. Les Pirates les emmènent dans leur forteresse souterraine sur la planète Zebes pour les multiplier et en faire une arme biologique de domination galactique.
La Fédération tente un assaut mais échoue. En dernier recours, elle engage une chasseuse de primes solitaire : Samus Aran.
Sa mission : infiltrer Zebes, détruire le chef des Pirates (Mother Brain, une biomachine organique) et éradiquer la menace Metroid avant qu’elle ne se répande.

1.1. L’Anti-Super Mario Bros.
Si Super Mario Bros. (1985) définissait le jeu de plateforme par le mouvement perpétuel vers la droite et un ciel bleu éclatant. Metroid, sorti un an plus tard, en est l’exact négatif.
Le jeu s’ouvre sur un fond noir. Samus ne peut pas aller à droite (bloquée par un mur). Elle doit aller à gauche. Ce simple choix de design pose les bases : ici, on ne traverse pas le niveau, on s’y enfonce. C’est une descente aux enfers claustrophobe où le joueur n’est pas le bienvenu.
Le projet naît au sein de la division R&D1, la plus expérimentale de Nintendo. L’ambition est de créer un jeu d’action non-linéaire, inspiré par la structure de The Legend of Zelda (sorti quelques mois plus tôt), mais transposé dans une vue latérale et un univers de science-fiction sombre.
1.2. « Alien » comme matrice et le nom « Metroid »
L’influence du film Alien (1979) de Ridley Scott n’est pas juste esthétique, elle est structurelle. L’équipe de développement veut recréer cette terreur de l’inconnu biologique.
Le titre : Le mot « Metroid » est un mot-valise inventé par l’équipe, combinant « Metro« (pour rappeler l’aspect souterrain et les tunnels labyrinthiques) et « Android« (pour la nature robotique apparente du protagoniste).
L’esthétique H.R. Giger : Les décors ne semblent pas construits, ils semblent avoir poussé. Statues Chozo, murs organiques, bulles… Tout est vivant.
L’hommage explicite : L’ennemi juré de Samus se nomme Ridley, un hommage direct et non dissimulé au réalisateur Ridley Scott.

1.3. Le Génie de la Contrainte : La Morph Ball
C’est l’une des anecdotes les plus célèbres, mais elle mérite d’être détaillée pour son aspect technique. L’équipe voulait que Samus puisse ramper pour s’infiltrer dans des conduits étroits. Cependant, la mémoire de la Famicom était saturée. Créer des sprites d’animation pour un personnage humanoïde qui se baisse, pose les mains au sol et rampe à quatre pattes demandait trop de ressources graphiques et de temps d’animation.
La solution de facilité est devenue un coup de génie, transformer le personnage en sphère. Une balle ne demande que quelques sprites qui tournent sur eux-mêmes. C’est fluide, économique en mémoire, et cela a donné naissance à un gameplay unique (bombes, physique) qui n’aurait jamais existé si la console avait été plus puissante.
1.4. Le Labyrinthe du « Copier-Coller »
Les joueurs de l’époque se souviennent s’être perdus pendant des heures. C’était voulu, mais c’était aussi une nécessité technique. Pour faire tenir un monde aussi vaste sur une disquette (puis une cartouche), les développeurs ne pouvaient pas dessiner chaque salle individuellement. Ils ont dû créer des « briques » de décors réutilisables.
C’est pourquoi tant de couloirs verticaux dans Brinstar ou Norfair se ressemblent trait pour trait : c’est littéralement la même donnée informatique répétée pour gonfler artificiellement la taille de la carte. Le vertige de l’exploration venait donc d’une astuce de compression de données.
1.5. « Hip » Tanaka et le Son de la Solitude
La bande-son de Hirokazu Tanaka est révolutionnaire. Contrairement à Koji Kondo (Mario, Zelda) qui cherche la mélodie accrocheuse, Tanaka cherche le malaise. Il a déclaré vouloir créer un son où l’on ne distingue pas la musique des bruitages d’ambiance.
Brinstar commence par des notes héroïques, mais très vite, le silence s’installe.
Le thème de Kraid est dissonant.
Le bruit d’obtention d’un item est strident, presque inquiétant.
Le but était de priver le joueur de réconfort émotionnel. Samus est seule, et la musique le lui rappelle constamment.

1.6. Le Twist Final : « Samus est une femme »
Aujourd’hui, c’est un fait acquis. En 1986, c’était un séisme. Le manuel du jeu utilisait délibérément des pronoms masculins ou neutres (« he », « cyborg »). L’armure massive dissimulait toute caractéristique physique. L’idée est venue en toute fin de développement, « Et si, à la fin, on découvrait que c’est une fille ? ».
Le jeu proposait 5 fins différentes basées sur le temps. Ce n’est qu’en finissant le jeu en moins de 3 à 5 heures (selon les versions) que Samus retirait son casque. En moins d’une heure, elle apparaissait en justaucorps (le fameux « bikini » pixélisé). C’était l’une des premières fois que le jeu vidéo récompensait la performance par de la narration environnementale (révélation de l’identité).
Les multiples fins en fonction du temps de complétion et du taux d’objets (plus on va vite, plus Samus se dévoile) posent les bases de la culture speedrun, bien avant que le mot existe.
2. Metroid II: Return of Samus – Game Boy, 1991
2.1. Le « Vrai » Alien : Genocide Run sur SR388
Si le premier Metroid s’inspirait de l’ambiance d’Alien, Metroid II s’inspire littéralement du scénario d’Aliens, le retour. Fini l’évasion ; place à l’extermination. Le pitch est brutal : la Fédération juge les Metroids trop dangereux. Samus est envoyée sur leur planète natale, SR388, avec un ordre simple : tous les tuer.
Le jeu affiche un compteur décroissant (« X Metroids restants ») en bas de l’écran. C’est une inversion totale du paradigme de l’époque : on ne joue pas pour sauver une princesse, on joue la reine pour nettoyer une espèce.
2.2. L’Invention des Épaulières (par nécessité technique)
Sur la jaquette de Metroid (NES), l’armure est plate. Maintenant, dans Metroid II. Elle a ses fameuses épaules rondes massives, la légendaire Varia Suit. Ce changement de design iconique n’est pas un choix de mode, mais une obligation de lisibilité.
Sur l’écran monochrome de la Game Boy (4 nuances de vert-gris), il était impossible de changer la couleur de Samus pour montrer qu’elle avait obtenu la Varia Suit, contrairement à la NES qui la passait de l’orange au rose.
L’équipe a donc dû changer la silhouette du sprite. Ils ont ajouté ces grosses boules sur les épaules pour que le joueur sache instantanément, même sans couleur, qu’il portait l’armure améliorée. Depuis, c’est devenu la signature visuelle du personnage.

2.3. La Boule Araignée et le Saut Spatial
La Game Boy a un écran minuscule. Pour compenser le manque de champ de vision latéral, les développeurs ont misé sur la verticalité pure. C’est ici qu’est née la Boule Araignée, permettant à Samus de coller à n’importe quelle paroi ou plafond.
Cette capacité était une réponse au hardware, puisque le joueur ne peut pas voir loin devant lui, laissez-le explorer chaque pixel des murs et plafonds.
Ironiquement, cette mécanique était si complexe à gérer pour le level design qu’elle disparaîtra pendant 11 ans, jusqu’à Metroid Prime, jugée trop « cassante » pour la progression dans Super Metroid.
Le Saut Spatial qui permet de faire des sauts vrillés à l’infini tant qu’on garde le rythme est apparu dans cet épisode. Cependant, sur Game Boy, la physique était très capricieuse et le saut cassait souvent si on n’avait pas le timing parfait.
2.4. Une narration par le silence (et un final historique)
Metroid II est une descente. Littéralement. Le monde est inondé d’acide nocif qui ne baisse qu’à chaque fois qu’un quota de Metroids est abattu. Plus on descend, plus les Metroids mutent (Alpha, Gamma, Zeta, Omega) et deviennent monstrueux.
Puis, à la toute fin, après avoir tué la Reine Metroid, le jeu change de ton. Le dernier œuf éclot. Le bébé Metroid ne vous attaque pas. Il vous prend pour sa mère. S’ensuit une remontée vers la surface, sans musique, juste un petit « bip » apaisant.
Samus, la machine à tuer qui vient d’exterminer une espèce entière, épargne le dernier né. C’est l’un des premiers exemples de narration émotionnelle sans texte du jeu vidéo. Ce « Bébé » deviendra la clé de voûte de tout le scénario de Super Metroid et Other M.

2.5. Le Problème des Armes : Le Choix Impossible
Contrairement à Super Metroid (où les rayons s’additionnent) ou Metroid 1 (où l’on pouvait revenir chercher une arme), Metroid II impose une contrainte très agaçante : l’arme unique.
Samus ne peut porter qu’un seul type de rayon à la fois.
Si vous avez le Rayon de Glace et que vous trouvez le rayon Plasma, vous perdez la Glace.
Le problème ? Le rayon de glace est indispensable pour tuer les Metroids classiques, il faut les geler puis les bombarder de missiles.
Le Plasma Beam, bien que surpuissant contre les ennemis normaux, est incapable de geler les Metroids.
Beaucoup de joueurs prenaient le Plasma Beam, tout contents… Pour se retrouver bloqués face au prochain Metroid, obligés de faire demi-tour dans tout le niveau pour retrouver une statue Chozo qui redonne le Ice Beam. Une erreur de design frustrante qui sera définitivement corrigée dans Super Metroid avec le système d’inventaire cumulatif.

2.6. La Couleur Fantôme
Même si le jeu est en noir et blanc, Nintendo avait prévu le coup. Bien que sorti sur la Game Boy originale (DMG-01), Metroid II possède une palette de couleurs secrète intégrée dans son code, mais qui ne s’active que si vous jouez sur… Une Super Game Boy (l’adaptateur SNES sorti des années plus tard) ou une Game Boy Color.
Sur Game Boy Color : Le jeu applique une palette « Metroid » par défaut (Samus en orange/jaune, décors verts/bleus) qui tente d’imiter les couleurs de la NES.
3. Super Metroid – Super Nintendo, 1994 : Le Chef-d’œuvre accidentel
Le calme est de courte durée. Samus confie le « Bébé » à la station scientifique Ceres. À peine a-t-elle quitté la station qu’elle reçoit un signal de détresse. Elle fait demi-tour et arrive trop tard : les scientifiques sont morts. Ridley, le général des Pirates que l’on croyait mort, a survécu.
Il vole le bébé sous les yeux de Samus et s’enfuit vers une planète Zebes reconstruite. Samus retourne sur Zebes pour une mission de sauvetage.
3.1. 24 Mégabits de génie pur
À sa sortie, le marketing de Nintendo martèle un chiffre : 24 Mégabits. C’est la taille de la cartouche, la plus grosse jamais produite pour la SNES à l’époque. Concrètement, cela a permis une révolution : l’atmosphère. Contrairement aux jeux d’action frénétiques, Super Metroid prend son temps.
L’intro à elle seule (la station Ceres, le silence, l’attaque de Ridley, la fuite) consomme une place folle en mémoire pour une séquence que le joueur ne verra qu’une fois.
Ce luxe de stockage a permis d’ajouter des détails inutiles mais vitaux : la pluie sur le site d’atterrissage, la buée, les insectes de fond, et surtout une carte continue gigantesque sans coupures.

3.2. Le Gameplay « Cassé » (et adoré)
C’est le paradoxe Super Metroid. Aujourd’hui, il est vénéré pour sa liberté absolue, mais une grande partie de cette liberté repose sur des glitchs ou des exploits physiques que les développeurs ont décidé de laisser.
Le Mockball : En courant à pleine vitesse, puis en sautant et en se mettant en boule au bon moment, Samus conserve son élan. Cela permet de passer sous des portes qui devraient se fermer trop vite. Les développeurs ont vu ce bug, l’ont trouvé amusant, et ne l’ont pas corrigé.
Le Wall Jump sur un seul mur : Prévu pour rebondir entre deux murs, le saut mural permet en réalité d’escalader une paroi lisse unique avec le bon timing.
C’est ce moteur physique permissif qui a donné naissance au terme « Sequence Breaking » : l’art de briser l’ordre prévu du jeu. Dans Super Metroid, vous pouvez affronter les boss dans le désordre, récupérer l’armure de gravité avant l’heure, ou finir le jeu « à l’envers ». Ce n’était pas 100% prévu, mais c’est devenu la signature de la série, et qui en fera LE JEU phare de la communauté speedrun.
3.3. L’Expérience « Inverted Pyramid » (Tutoriel Invisible)
Le génie de Super Metroid réside dans son absence de texte. Le jeu vous apprend à jouer sans vous le dire. Au début du jeu, vous tombez dans un trou. Impossible de remonter. La seule issue est d’aller à droite. Mais plus tard, vous revenez au même endroit. Un petit animal vert (Etecoon) vous montre qu’on peut rebondir sur les murs et ainsi vous initier au Wall Jump.
Les développeurs ne mettent pas de panneau « Appuyez sur B ». Ils mettent en scène un animal qui le fait devant vous. Si vous êtes attentif, vous apprenez. Sinon, vous restez bloqué. C’est une confiance absolue en l’intelligence du joueur, rare à l’époque et disparue aujourd’hui.

3.4. L’Arsenal de la Révolution
Si les deux premiers épisodes ont posé les fondations, Super Metroid a construit les murs porteurs du gameplay moderne.
La Carte Automatique : C’est LA rupture majeure. Fini le papier quadrillé sur les genoux comme à l’époque NES/Game Boy. Le jeu trace votre route en temps réel (cases roses pour les zones visitées, bleues pour les zones scannées par des terminaux). Sans cette innovation, la complexité labyrinthique de Zebes aurait été ingérable pour le grand public.
L’Écran d’Inventaire & Combinaison de Rayons : Samus n’a plus besoin de remplacer son arme (comme dans Metroid 1 où le rayon de glace remplaçait le rayon long). Désormais, vous pouvez empiler les effets.
Vous voulez tirer un rayon de glace, plasma, ondes, spazer en même temps ? C’est possible (avec une limite : Spazer et Plasma ne peuvent pas cohabiter, il faut choisir).
Cela a aussi permis l’introduction des « Beam Combos » secrets : sélectionnez un rayon, chargez-le, et activez une Power Bomb pour déclencher une attaque dévastatrice unique (ex : 4 boucliers de glace qui tournent autour de Samus).
Le Speed Booster & Shinespark :
Samus devient une fusée. Après quelques secondes de course ininterrompue, elle passe en mode supersonique (aura bleue), détruisant ennemis et murs sur son passage. L’innovation folle, c’est le Shinespark : si vous vous baissez en pleine course, vous stockez cette énergie cinétique. Vous pouvez alors la relâcher pour vous propulser comme une comète dans n’importe quelle direction (y compris en diagonale), traversant des écrans entiers jusqu’à toucher un obstacle indestructible.
Le Grappin : Inspiré par Bionic Commando, cet outil ajoute une dimension physique au déplacement. Samus peut se balancer au-dessus du vide ou de l’électricité. Cela force le joueur à gérer l’inertie et le timing, enrichissant la plateforme pure.
Le Tir Diagonal & Moon Walk : Pour la première fois, Samus ne tire plus seulement devant ou en haut. Elle peut viser en diagonale (via les gâchettes L et R), rendant les combats bien plus précis. Et pour les fans de Michael Jackson, une option « Moon Walk » dans le menu permettait de reculer tout en tirant devant soi. Un détail peu utile, mais stylé !.
Le Viseur Rayons X : Outil d’analyse qui permet de voir à travers les murs pour repérer les blocs destructibles ou les passages secrets. C’est l’ancêtre direct du Scan Visor qui sera central dans Metroid Prime huit ans plus tard.
L‘attaque en Vrille : Attaque combinée au saut infini du Saut spatial qui transforme ce saut en arme mortelle entourée d’éclairs verts

3.5. Le Dilemme Moral : « Save the Animals »
À la toute fin du jeu, alors que la planète Zebes est sur le point d’exploser (compte à rebours de 3 minutes), le joueur fonce vers son vaisseau.
Mais il peut faire un détour.
Dans une salle annexe, les animaux qui vous ont appris le Wall Jump (Etecoons) et le Shinespark (Dachora) sont piégés.
Le jeu ne vous dit rien. Vous pouvez partir et survivre. Ou vous pouvez perdre de précieuses secondes pour tirer sur le mur et les libérer.
Si vous les sauvez, un petit pixel blanc s’échappera de la planète juste avant l’explosion finale. Ce choix n’apporte aucun bonus, aucun item. Juste la satisfaction morale d’avoir sauvé ceux qui vous ont aidé. C’est l’ultime touche de classe de Sakamoto.
3.6. Le Panthéon des Boss : De l’Obstacle au Spectacle
Avant Super Metroid, les boss n’étaient que des « gros ennemis » à la fin d’une zone. Dans cet épisode SNES, ils deviennent des événements cinématiques avec une mise en scène propre. Le jeu double quasiment le nombre de boss majeurs par rapport au premier opus, créant un rythme beaucoup plus soutenu.
Il y a les Quatre Gardiens officiels dont les statues bloquent l’accès à Tourian, mais aussi des mini-boss mémorables.
Kraid : Sur NES, Kraid faisait la taille de Samus. Sur SNES, quand vous entrez dans sa salle, vous ne voyez que ses pieds. Puis l’écran monte… Et il prend deux écrans de haut. C’était une claque technique absolue en 1994 : un sprite si gigantesque qu’il ne tenait pas sur la télé.
Crocomire : Ce boss n’a pas de barre de vie classique. Vous ne pouvez pas le tuer en tirant dessus ; vous devez le pousser dans la lave acide. Sa mort est l’une des plus graphiques de l’époque : on voit sa peau fondre jusqu’au squelette, puis son squelette tenter une dernière attaque désespérée. Une narration visuelle brutale.
Phantoon : Un boss fantomatique dans l’épave d’un vaisseau. Il joue sur la disparition et l’apparition, changeant le rythme du combat.
Ridley : Le combat le plus emblématique de la saga, une petite plateforme pour un combat de titan.
Draygon : peut-être tué à la loyale (très long)… Ou en utilisant le grappin pour électrocuter l’eau et le griller instantanément en quelques secondes. Une récompense cachée pour les joueurs malins qui expérimentent avec la physique du jeu.

3.7. L’Héritage : La naissance du « Metroidvania »
C’est après Super Metroid (et la sortie de Castlevania: Symphony of the Night trois ans plus tard) que le terme Metroidvania s’impose.
Mais Super Metroid a posé la bible :
Une grande carte interconnectée (pas de niveaux).
Des verrous « biologiques » (portes, chaleur, eau) qui ne s’ouvrent qu’avec le bon item.
Le backtracking valorisant : repasser au début du jeu avec un nouvel item pour découvrir un secret. Tous les jeux indés modernes, de Hollow Knight à Ori, descendent directement de cette cartouche SNES de 1994.
3.8 La fonction cachée – Le Crystal Flash
Une technique si cachée que beaucoup ont fini le jeu sans savoir qu’elle existait.
Si Samus a moins de 50 points de vie, zéro missile de réserve, et qu’elle utilise une Power Bomb tout en maintenant L + R + Bas + Tir enfoncés… Elle s’entoure d’une sphère de lumière aveuglante Cela consomme toutes ses munitions restantes, mais restaure intégralement sa santé.
Cette technique, le Crystal Flash, n’est expliquée nulle part dans le jeu. Elle ne sert quasiment jamais (car il est rare d’avoir 0 missile mais encore des Power Bombs), mais elle existe, comme un ultime recours désespéré pour le joueur acculé.

3.9. Atmosphère cinématographique et secrets de développeurs
Influencé par Alien et le cinéma en général, Sakamoto veut un jeu qui se lise comme un film quasi muet : peu de texte, une intro avec voix anglaise enregistrée par Dan Owsen de Nintendo of America, des sous‑titres japonais, des plans larges et des travellings que la SNES n’avait guère l’habitude d’afficher.
Samus presque nue : dans une ROM de développement, la mort de Samus affichait fugitivement un sprite nu. L’équipe ajoute finalement un maillot par peur de la censure américaine. Sakamoto dit conserver une ROM spéciale avec cette version “non censurée”.
Mesures de Samus : un graphiste révèle dans sa fiche que Samus fait “106‑60‑90” , clin d’œil potache sur le fantasme de l’héroïne.
Ridley dans l’intro : il est possible d’abattre Ridley dans la séquence d’ouverture de la station Ceres en lui tirant une centaine de fois dessus, ce qui déclenche une petite variante où le Metroid en capsule tombe.
Les animaux sauvés : sauver ou non les Dachoras et Etecoons lors de l’évasion finale modifie légèrement la dernière scène, où l’on peut voir leur capsule fuir Zebes.[11]
“Keiko Love” : Fujii confie avoir caché dans la chorégraphie d’un groupe d’ennemis Evir une phrase tracée par leur mouvement : “Keiko Love”, en hommage à sa petite amie qu’il ne voyait presque plus à cause du crunch.[27]
À la sortie, Super Metroid ne se vend pas autant qu’un Mario ou qu’un Zelda, mais il devient le jeu culte absolu de la série, celui que tous les épisodes suivants 2D comme 3D auront en tête comme étalon.
C’est aussi avec cet épisode que ma grande histoire d’amour avec Samus Aran est née, je parle de l’amour de la saga, on se calme.
4. Après Super Metroid : le long silence et l’ombre de Yokoi (1994–2002)
Après Super Metroid en 1994, la série disparaît pendant huit ans des radars. Plusieurs facteurs se combinent.
4.1. Le départ et la mort de Gunpei Yokoi
Gunpei Yokoi, producteur des deux premiers Metroid et superviseur de Super Metroid, quitte Nintendo en 1996 après l’échec commercial largement exagéré dans la mémoire collective du Virtual Boy, puis meurt dans un accident de voiture en 1997. Son départ laisse R&D1 orpheline de son patron historique.
Plusieurs analystes internes et fans considèrent que l’absence de Yokoi comme “gouvernail” explique en partie l’errance de Metroid dans la seconde moitié des années 90.
4.2. Pourquoi pas de “Metroid 64” ?
Yoshio Sakamoto expliquera plus tard qu’aucune idée satisfaisante pour un Metroid sur Nintendo 64 n’a émergé : la 3D naissante était encore brute, et la formule Metroid basée sur une précision de contrôle et une lisibilité spatiale très fines risquait de se perdre dans un environnement polygonal peu maîtrisé. Des fans ont longtemps fantasmé un “Metroid 64”, mais aucun prototype abouti n’a jamais refait surface.
Nintendo se concentre sur Zelda Ocarina of Time et Mario 64, qui servent de banc d’essai à la 3D ; Metroid reste au placard jusqu’à la génération suivante.
5. Metroid Fusion – Game Boy Advance, 2002
Lors d’une mission de routine sur SR388, Samus est attaquée par une gelée jaune inconnue : le Parasite X. Elle sombre dans le coma. Le X se multiplie dans son système nerveux. Les médecins de la Fédération n’ont qu’une solution désespérée : lui injecter un vaccin créé à partir de l’ADN du dernier Bébé Metroid (celui de Super Metroid).
Le miracle se produit : l’ADN Metroid dévore le X. Samus survit, mais elle est désormais génétiquement modifiée. Elle est partie Metroid. Conséquence ironique : elle ne peut plus supporter le froid (la faiblesse des Metroids) et doit absorber les parasites X flottants pour se soigner, comme un Metroid absorbe l’énergie.
Elle part enquêter sur la station BSL, où les échantillons de X ont envahi les lieux et cloné son ancienne armure pour créer le SA-X. La chasseuse devient chassée par sa propre ombre.

5.1. Le Design de l’Urgence (Le Pari de Sakamoto)
Après huit ans de silence radio depuis Super Metroid, les fans attendaient une suite directe sur la même formule : liberté, silence, exploration. Sakamoto fait l’exact inverse.
Metroid Fusion est conçu pour être linéaire, bavard et dirigiste. Pourquoi ? Sakamoto voulait raconter une histoire précise, celle de la vulnérabilité de Samus. Pour créer du stress, il faut contrôler le rythme du joueur. Un monde trop ouvert permet de fuir ou de flâner. Un monde fermé (une station spatiale aux portes verrouillées) force le joueur à affronter ses peurs. C’est un choix de design conscient et controversé pour accentuer l’aspect thriller.
5.2. L’Antagoniste Ultime : Le SA-X
C’est l’idée de génie du jeu : le chasseur devient la proie. Au début du jeu, le parasite X infecte Samus et copie son armure ultime de la fin de Super Metroid (Ice Beam + Plasma + Varia Suit). Le parasite s’incarne alors dans le SA-X (Samus Aran X).
Le joueur, lui, contrôle une Samus affaiblie, en combinaison bleue légère nommé armure Fusion, incapable d’utiliser le rayon de glace.
Le SA-X n’est pas un boss qui vous attend dans une salle. Il patrouille. On entend ses pas métalliques lourds. La musique se coupe. S’il vous voit, il vous gèle instantanément et vous tue en deux secondes.
Vous ne pouvez pas le tuer. Vous devez fuir. C’était du pur survival horror inséré dans un jeu de plateforme 2D, préfigurant Alien: Isolation ou les E.M.M.I. de Dread.

5.3. Des objections, jeune dame?
Pour la première fois, Samus a un patron. L’ordinateur de bord contenant l’esprit de son ancien officier Adam Malkovich lui donne des ordres, verrouille des portes comme le Secteur 4 interdit et dicte la progression.
Cela a divisé les puristes, mais cela sert la narration : Samus n’est plus une mercenaire libre, elle est un sujet de test surveillé par la Fédération. Cette perte d’autonomie renforce le sentiment d’étouffement voulu par l’ambiance.
5.4. Une Atmosphère Clinique
Finies les cavernes rocheuses et les statues antiques. Fusion se déroule dans la station BSL (Biologic Space Laboratories).
Les décors sont métalliques, froids, artificiels. Même les zones « naturelles » (secteur tropical, aquatique) sont des hologrammes ou des serres sous verre.
Cette esthétique « laboratoire » tranche avec le côté organique habituel de la série, soulignant que le véritable ennemi n’est pas la nature sauvage, mais la science sans éthique de la Fédération Galactique.
5.6. Le Renouveau Mécanique : Plus Vite, Plus Léger
Si Super Metroid était un tank lourd et flottant, Metroid Fusion est une voiture de course. La physique a été entièrement revue pour la GBA.
Physique lourde vs Physique sèche : Dans Super Metroid, Samus flottait un peu lors des sauts. Dans Fusion, la gravité est plus forte, les sauts sont plus rapides et plus secs. Samus s’accroche automatiquement aux rebords des plateformes. Fini les sauts millimétrés frustrants où l’on tombait pour un pixel manquant.
Les Missiles à Diffusion : Une nouvelle arme qui permet de charger un missile pour qu’il explose en une large zone de glace, gelant tout un groupe d’ennemis d’un coup.
L’Absorption du X : Tuer un ennemi ne suffit plus. Il libère un parasite X flottant qui tente de se reformer ou de fuir. Samus doit l’intercepter physiquement pour recharger sa vie et ses missiles. Cela crée un rythme de combat agressif : Tuer -> Foncer -> Absorber.
Le Shinespark simplifié : Déclencher la super-vitesse et le saut comète est beaucoup plus simple et tolérant que sur SNES, permettant des énigmes de vitesse plus complexes dans des espaces réduits.

Ce qui a disparu (Le compromis pour la GBA)
Plus de sélection d’arme : On ne choisit plus ses rayons ou son grappin via un menu. Tout est contextuel ou automatique (bouton R pour les missiles). C’est plus fluide.
Plus de séquence breaking facile : Le jeu verrouille les portes derrière vous. Impossible d’aller chercher un item de fin de jeu au début. Le Wall Jump sur un seul mur est toujours là, mais il ne permet plus de sortir des limites prévues par les développeurs.
6. Metroid: Zero Mission – Game Boy Advance, 2004
6.1. Un Remake ? Non, une Correction.
Après avoir choqué les fans (pas moi) avec la linéarité de Fusion, Sakamoto revient avec un projet qui semble modeste : refaire le premier Metroid de 1986. Mais Zero Mission n’est pas un simple lifting graphique. C’est une réécriture complète du game design avec des ajouts de cinématiques et de mécaniques tirées de Fusion. L’objectif était de prouver qu’on pouvait garder l’esprit labyrinthique de l’original tout en utilisant la physique fluide et nerveuse de Fusion. Le résultat est hybride.
Des statues Chozo vous indiquent où aller (comme dans Fusion), MAIS…Contrairement à Fusion, rien ne vous empêche d’ignorer ces statues. Le jeu est truffé de tunnels secrets conçus exprès pour contourner l’itinéraire officiel. Vous pouvez aller tuer Ridley avant Kraid, ou récupérer les Super Missiles très tôt si vous maîtrisez le Bomb Jump.
Le Bomb Jump (Infinite Bomb Jump) consiste à poser une bombe en mode Morph Ball, se faire propulser en l’air par l’explosion, et poser une deuxième bombe au sommet du saut pour rebondir à nouveau, créant ainsi une échelle aérienne infinie, technique très employée par les speedrunner de Metroid.

6.2. L’Acte Final Inédit : Samus Sans Armure (Zero Suit)
C’est la grande surprise du jeu. Là où le jeu NES s’arrêtait après la destruction de Mother Brain, Zero Mission continue. Alors qu’elle fuit la planète, le vaisseau de Samus est abattu par les Pirates. Elle s’écrase près du vaisseau mère des Pirates à la surface de Zebes (Chozodia).
Son armure est détruite.
Pour la première fois, le joueur contrôle Zero Suit Samus (Samus en combinaison bleue moulante). Elle n’a qu’un pistolet paralysant d’urgence qui ne fait aucun dégât. Le jeu bascule alors dans le genre Infiltration. Il faut ramper dans les conduits, éviter les projecteurs et fuir les Pirates. C’est une séquence de vulnérabilité pure qui rend le moment où l’on récupère enfin l’armure Varia encore plus jouissif.

6.3. Chozodia : L’Extension du Lore
Ce chapitre final ajoute une couche mythologique essentielle. On découvre que Samus a été élevée sur Zebes par les Chozo dans ces ruines mêmes. Un dessin d’enfant caché à la fin montre Samus petite avec ses deux « pères » Chozo. Cela humanise le personnage : Zebes n’est pas juste une planète hostile, c’est sa maison d’enfance qu’elle doit détruire.
6.4. Le Paradis du Speedrun
Les développeurs ont appris de Super Metroid. Au lieu de laisser des bugs accidentels, ils ont intégré les « sequence breaks » dans le design. C’est cette philosophie qui fait de Zero Mission l’épisode 2D le plus « propre » et le plus rejouable de la série.

6.5. Le Clin d’Œil Rétro
Si vous finissiez le jeu, vous débloquiez la version originale de Metroid (NES) jouable sur votre GBA. Une manière pour Nintendo de dire : « Regardez le chemin parcouru en 18 ans. »
7. La révolution 3D : La Saga Metroid Prime
7.1. Retro Studios : chaos texan et coup de génie de Miyamoto
Retro Studios est fondé en 1998 à Austin par Jeff Spangenberg (ex‑Iguana/Turok) avec l’idée, côté Nintendo, de développer des jeux matures pour la future GameCube (oui je sais on dit LE Gamecube mais moi je dis LA voilà !!). La réalité est beaucoup plus brouillonne : quatre gros projets en parallèle (RPG Raven Blade, jeu de football NFL Retro Football, Car Combat, MetaForce), retards, organisation chaotique.
En 2000, Shigeru Miyamoto visite le studio. Il est déçu par les jeux, mais remarque le moteur 3D de MetaForce et lance une idée : en faire un nouveau Metroid en vue subjective. Peu après, tous les projets sont annulés ; Retro concentre ses forces sur ce qui deviendra Metroid Prime.
Nintendo rachète ensuite entièrement Retro, place Michael Kelbaugh à la tête du studio et installe une supervision rapprochée depuis Kyoto (Tanabe, Miyamoto, Sakamoto).
7.2. Metroid Prime – GameCube, 2002
L’histoire se déroule entre Metroid 1 et Metroid 2. Après avoir vaincu Mother Brain sur Zebes, Samus capte un signal de détresse provenant d’une frégate des Pirates de l’Espace en orbite autour de la planète Tallon IV. À bord, elle découvre que les Pirates font des expériences sur une substance radioactive mutagène ultra-puissante : le Phazon.
Lors de sa fuite du vaisseau qui explose, Samus perd ses pouvoirs (une tradition !) Et atterrit sur Tallon IV. Elle découvre que cette planète était autrefois un paradis colonisé par les Chozo, jusqu’à ce qu’une météorite chargée de Phazon (le « Grand Poison ») s’écrase, corrompant la faune, la flore et poussant les Chozo à l’exil ou à la folie. Sa mission : récupérer 12 artefacts Chozo pour ouvrir le cratère d’impact, empêcher les Pirates d’exploiter le Phazon, et détruire la source de la corruption : le Metroid Prime.

7.3. Une collaboration Est/Ouest hors norme.
Metroid Prime est co‑développé entre Retro (art et ingénierie) et une équipe japonaise (Nintendo EAD + R&D1) qui fournit la musique, participe au level design et valide la cohérence scénaristique. Sakamoto supervise la storyline pour qu’elle s’insère entre Metroid 1 et 2 ; les logs de scan sont passés au peigne fin par Nintendo pour s’assurer qu’ils ne contredisent pas le reste de l’univers.
La presse et les fans étaient furieux. « Metroid en FPS ? Nintendo a tué la série ! » (oui oui ça se voit) Mais Nintendo refusait le terme FPS (First Person Shooter). Ils parlaient de FPA (First Person Adventure). Le cœur du jeu n’est pas le tir, mais l’exploration, la verticalité, la lecture de l’écosystème via le viseur Scan. Cela se reflète dans :
- Le Lock-on : Inspiré de Zelda: Ocarina of Time, le système de visée verrouille l’ennemi. On ne lutte pas pour viser, on lutte pour bouger.
- Le Scan Visor : C’est l’arme principale du jeu. Elle ne tire pas de balles, elle tire de l’information. Pour comprendre l’histoire, il faut scanner les murs, les ordinateurs pirates, les plantes. Le jeu ne vous raconte rien ; vous devez aller chercher le scénario vous-même (lore archéologique).
7.4. L’Immersion Absolue : Le Casque
L’interface (HUD) de Metroid Prime n’est pas un affichage de jeu vidéo collé sur l’écran. C’est l’intérieur du casque de Samus.
- C’est le seul jeu où, si une explosion se produit trop près, vous voyez le reflet du visage de Samus (ses yeux et son nez) apparaître brièvement dans la vitre du téléviseur.
- Quand il pleut, les gouttes ruissellent sur la visière.
- Quand vous passez près d’un jet de vapeur, de la buée se forme.
- Quand un ennemi électrique vous touche, l’interface grésille et se brouille (statique).
Ce niveau de détail maniaque servait un but : faire oublier au joueur qu’il tient une manette pour qu’il se sente dans l’armure.

7.5. Crunch et “miracle” technique.
Les témoignages de développeurs de Retro sont sans appel : les neuf derniers mois de développement ressemblaient à une “marche de la mort” de 80 à 100 heures par semaine, parfois 48 heures d’affilée avec seulement une heure de sommeil. Il faudra six mois pour produire un premier niveau jugé acceptable par Nintendo ; le reste du jeu est ensuite construit en moins d’un an.
Malgré cela, Prime nous a donné :
Un 60 FPS quasi constant.
Un streaming de données fluide.
Une direction artistique cohérente (avec Android Jones au concept art).
6.4. Contenu Coupé : Kraid et le Speed Booster
Le jeu devait être encore plus grand et certains éléments prévus seront coupés par manque de temps.
Kraid : Le boss géant de Metroid 1 a été entièrement modélisé et texturé pour Prime. Il devait apparaître dans les Mines de Phazon. Il a été coupé à la toute fin car les développeurs n’arrivaient pas à créer une arène assez grande pour lui qui soit fun à jouer en vue subjective.
Speed Booster : La super-vitesse de Super Metroid a été testée. Mais en vue subjective, traverser une salle à Mach 2 donnait la nausée et le moteur n’arrivait pas à charger les décors assez vite. L’idée a été abandonnée.
Adieu L’attaque en Vrille : Retro Studio n’arrivait pas à trouver une solution satisfaisante pour la caméra en 2002. Sauter en tournoyant donnait la nausée ou désorientait totalement le joueur lors des phases de plateforme précises. Ils ont préféré l’enlever plutôt que de mal le faire.

7.6. Le Secret « Nintendo »
Saviez-vous que la Morph Ball (Vue à la 3ème personne) a failli être coupée ? Retro Studios voulait que tout le jeu soit en vue subjective, même en boule (la caméra aurait roulé, donnant le tournis mais pas que je pense….). Miyamoto a tapé du poing sur la table : « Non, on doit voir Samus se transformer. »
Il a imposé la transition fluide (la caméra recule et sort du casque) pour que le joueur n’oublie jamais qu’il contrôle une héroïne iconique et pas juste une caméra volante. De plus, il a interdit de pouvoir « skipper » l’animation de transformation. Chaque passage en boule devait être un petit moment de satisfaction visuelle.
Merci Monsieur Miyamoto !!
Connexions avec Fusion.
Outre le lien scénaristique, Prime se relie techniquement à Fusion via le câble GC–GBA : finir Fusion débloque Metroid NES dans Prime, et finir Prime permet d’y jouer avec le Fusion Suit. C’est un rare cas de cross‑bonus inter‑plateformes.
8. Metroid Prime 2: Echoes – Gamecube, 2004
Samus est envoyée sur la planète Aether pour retrouver une escouade de Marines de la Fédération dont le vaisseau a disparu. On retrouve leurs cadavres pendus comme des trophées dès les premières minutes, une scène glaçante pour du Nintendo.
Elle découvre qu’Aether a été percutée par un météore de Phazon. L’impact a été si violent qu’il a déchiré la réalité, créant une copie dimensionnelle de la planète : Dark Aether.
Deux peuples s’affrontent :
Les Luminoth (Aether), des sortes de papillons de nuit géants pacifiques et technologiques.
Les Ing (Dark Aether), des créatures d’ombre liquide terrifiantes qui veulent éteindre la lumière de la planète originale.
Samus devient la championne des Luminoth. Elle doit voyager entre les deux dimensions pour voler l’énergie planétaire aux Ing et la ramener aux Luminoth. Mais elle n’est pas seule. Une copie noire d’elle-même, née du Metroid Prime à la fin du premier jeu, la traque : Dark Samus.

8.1. Plus Sombre, Plus Dur, Plus Rapide
Après le succès de Prime, Nintendo voulait une suite en deux ans. Mission impossible ? Presque. Metroid Prime 2 est né dans l’urgence, et cela se ressent dans son ambiance : c’est un jeu hostile.
Le concept central est la dichotomie : la planète Aether est déchirée en deux dimensions, Aether et Dark Aether. L’air de Dark Aether nous tue à petit feu, sans parler des Ing agressifs. On doit courir de bulle de lumière en bulle de lumière pour survivre. C’est un stress permanent qui tranche avec l’exploration contemplative du premier volet. C’est le Survival qui prend le pas sur l’Aventure.
8.2. Quadraxis : Le Boss le Plus Grand de l’Histoire (à l’époque)
Si Kraid a été coupé du 1, Retro Studios s’est vengé dans le 2. Le combat contre Quadraxis, un robot gigantesque corrompu, est souvent cité comme l’un des meilleurs boss de toute l’histoire du jeu vidéo.
Le combat se déroule en trois phases :
- Détruire ses rotules pour le faire tomber.
- Monter sur son corps en Morph Ball et détruire ses antennes.
- Affronter sa tête volante en sautant de plateforme en plateforme.
L’échelle est vertigineuse. Samus n’est qu’une fourmi face à lui. C’est l’apogée du savoir-faire technique de Retro Studio.

8.3. Les Costumes : Le Design Alien
Pour la première fois, Samus ne porte pas ses armures Chozo classiques. Elle aura
L’armure Sombre : Une armure massive, « rouillée », avec des épaulettes en forme de roues. Elle a un look industriel brut.
L’armure de lumière : L’armure ultime. Blanche, épurée, avec des néons sur le torse. Ces designs ont divisé les fans, certains trouvant le Light Suit trop « propre », mais ils racontent l’histoire : Samus s’adapte à la technologie des Luminoth pour survivre.

8.4. Le Multijoueur Oublié
Oui, Metroid Prime 2 avait un mode multijoueur en écran splitté ! Nintendo a insisté pour l’ajouter (c’était l’époque Halo 2). Retro Studios l’a fait à contrecœur.
On pouvait jouer à 4 joueurs dans des arènes. C’était techniquement impressionnant (60 FPS à 4), mais anecdotique. Kensuke Tanabe a même avoué récemment qu’il aimerait que ce mode soit rejoué par plus de monde dans un éventuel remaster, car il était fier du travail technique accompli.
8.5. Les Coulisses d’Echoes
Le « Screw Attack » impossible : L’attaque en vrille (sauter en boule d’énergie) est iconique en 2D. En 3D, c’était un casse-tête. Comment faire tourner la caméra sans faire vomir le joueur ? L’astuce de Retro : Quand vous faites le Screw Attack, la caméra ne tourne pas. C’est le modèle 3D de Samus qui tourne devant la caméra, et le décor floute légèrement pour donner l’illusion de vitesse. Votre cerveau croit que vous tournez, mais l’horizon reste fixe. C’est une illusion d’optique parfaite.
Le son de la mort des Luminoth : Quand vous trouvez un cadavre de Luminoth et que vous téléchargez ses dernières mémoires, vous entendez un son étrange, un murmure fantomatique. Si vous passez ce son à l’envers et en accéléré, c’est souvent la voix d’un développeur qui raconte une blague ou commande une pizza. L’équipe audio s’est amusée à cacher des messages triviaux dans des moments tragiques.
Dark Samus est… Un squelette : Si vous parvenez à hacker la caméra (ou utiliser des modes debug) pour regarder à l’intérieur du casque de Dark Samus, vous verrez qu’elle a un crâne humain translucide et des veines bleues de Phazon. Ce n’est pas une armure vide, c’est une abomination biologique qui a copié l’ADN de Samus jusqu’à l’os.
La difficulté japonaise : Le jeu était jugé tellement difficile par les testeurs que la version japonaise (sortie après les USA) a été grandement revue à la baisse. Les boss ont moins de vie, et surtout, les zones de Dark Aether font moins de dégâts par seconde. La version GameCube originale américaine/européenne reste la plus dure jamais sortie.
Le 100% impossible : À la sortie du jeu, un bug frustrant existait. Si vous quittiez une certaine salle dans la Forteresse Sanctuaire sans scanner un drone précis, il disparaissait à jamais. Résultat : Impossible d’avoir le 100% de scans et la fin secrète. Des milliers de joueurs (je ne l’avais pas manqué) ont dû recommencer leur partie de zéro à cause d’un seul petit robot manquant. Le bug a été corrigé dans la version Trilogy sur Wii.
Ce jeu reste le mal-aimé génial de la trilogie, trop dur pour le grand public, mais vénéré par les puristes pour la complexité de ses énigmes et la beauté high-tech de ses décors.
9. Metroid Prime Hunters – Nintendo DS, 2006
Loin des conflits habituels, la Fédération Galactique capte un message télépathique étrange venant du Cluster Alimbic, une zone inexplorée de la galaxie Tetra. Le message promet « le Pouvoir Ultime ». Craignant que ce pouvoir ne tombe entre de mauvaises mains, la Fédération envoie Samus récupérer ou détruire ce secret. Mais elle n’est pas la seule à avoir entendu l’appel. Six autres chasseurs de primes débarquent pour s’emparer du butin.
En explorant les ruines de la civilisation Alimbic (une race pacifique disparue), Samus découvre la vérité : le « Pouvoir Ultime » est un piège.
C’est en réalité une prison. Elle renferme Gorea, une entité cosmique dévoreuse de mondes (ressemblant à une comète vivante) qui a anéanti les Alimbics autrefois. Le message n’était pas une invitation, mais un appât pour attirer des guerriers forts afin que Gorea puisse absorber leur énergie et se libérer. Samus doit alors s’allier temporairement (ou non, selon le joueur) avec ses rivaux pour vaincre Gorea et empêcher l’apocalypse, avant de s’enfuir alors que la prison s’autodétruit.
L’histoire se finit sur un statu quo… Sauf pour Sylux…

9.1. Un FPS sur une console tactile ?
Quand Nintendo annonce un Metroid Prime sur DS, nombreux sont restés sceptiques. Une console portable sans joystick analogique ne peut pas faire tourner un FPS compétitif, disait-on. L’équipe de Nintendo Software Technology (NST), basée à quelques kilomètres du siège de Nintendo of America, relève le défi avec une solution radicale : le Stylet.
L’écran tactile devient une souris. On vise en glissant le stylet sur l’écran du bas, on tire avec la gâchette L, on bouge avec la croix directionnelle.
Le résultat est d’une précision chirurgicale, bien supérieure à celle des joysticks console de l’époque. C’était inconfortable pour les poignets sur de longues sessions, mais c’était une prouesse technique : du 3D fluide, 60 FPS en intérieur, et du multijoueur en ligne (Wi-Fi Connection) avec chat vocal, une première sur portable !

9.2. La chasse avant tout
Contrairement aux autres Metroid, l’aventure solo est ici secondaire (et un peu répétitive, recyclant souvent les deux mêmes boss). Le cœur du jeu, c’est la chasse multijoueur. Six nouveaux chasseurs de primes sont introduits, chacun avec une arme et une forme alternative unique :
Sylux : Utilise le Shock Coil (vol de vie) et se transforme en Lockjaw (piège électrique).
Weavel : Un pirate de l’espace cyborg qui peut se couper en deux (une tourelle automatique + le pilote).
Trace : Un sniper impérialiste qui devient invisible s’il ne bouge pas.
Kanden : Un super-soldat insecte créé en laboratoire. Il utilise le Volt Driver (tir électrique qui brouille la vue de l’adversaire) et se transforme en larve
Spire : Une créature de roche et de lave, dernier survivant de son espèce. Il utilise le Magmaul (boules de feu qui brûlent sur la durée) et grimpe aux murs avec sa forme Dialanche.
Noxus : Un Vhozon (espèce fière et rigide) qui veut interdire l’arme ultime à quiconque. Il utilise le Judicator (tir de glace qui gèle l’ennemi) et devient une toupie tranchante Vhoscythe
9.3. First Hunt : La Démo qui valait de l’or
Au lancement de la DS en 2004, chaque console était vendue avec une petite cartouche grise intitulée Metroid Prime Hunters: First Hunt. Ce n’était pas le jeu final. C’était une démo technique avec des niveaux, des musiques et une interface totalement différente du jeu complet sorti en 2006.
Elle servait de « preuve de concept » pour montrer que la DS pouvait faire de la 3D. Aujourd’hui, cette démo est devenue un objet de collection recherché pour ses différences avec le produit fini.

9.4. Sylux : La Menace Dormante
Pourquoi parler de ce jeu en 2025 ? Parce qu’il contient la clé de Metroid Prime 4: Beyond. L’un des chasseurs, Sylux, voue une haine féroce à la Fédération Galactique et à Samus (on ne sait toujours pas exactement pourquoi). Il utilise une armure volée à la Fédération et une arme prototype.
Après 19 ans de teasing, Hunters n’est plus un spin-off oubliable : c’est le prologue officiel de l’antagoniste principal de la nouvelle saga.
9.5. Tu ne le sais peut-être pas…
Le jeu a été développé dans une ambiance de rivalité interne avec Retro Studios. Bien que NST soit le développeur principal, Retro a dû superviser la direction artistique pour s’assurer que les nouveaux chasseurs « fittent » avec l’univers Prime. Les rumeurs disent que Retro n’était pas ravi que NST touche à « leur » bébé 3D, mais le résultat final a prouvé que la petite DS en avait dans le ventre.
10. Metroid Prime 3: Corruption – WII, 2007
Six mois après les événements d’Aether, la Fédération Galactique pense avoir maîtrisé la technologie du Phazon pour s’en servir comme carburant. Grave erreur. Lors d’une réunion stratégique sur le vaisseau amiral Olympus, les Pirates de l’Espace lancent une attaque éclair. Ils ne volent plus le Phazon, ils le sèment. Dark Samus, désormais chef suprême des Pirates, tire des « Graines de Léviathan » (des météores vivants) sur plusieurs planètes pour les corrompre.
Samus et trois autres chasseurs d’élite (Rundas, Ghor, Gandrayda) tentent de l’arrêter, mais ils sont tous vaincus et infectés par le Phazon pur directement dans leur corps. Alors que ses collègues sombrent peu à peu dans la folie et deviennent des monstres au service de Dark Samus, Samus doit lutter contre sa propre infection interne.
Sa mission : détruire les graines sur trois planètes (Bryyo, Elysia, Monde Pirate) avant de trouver la source de tout le mal, la planète vivante Phaaze, et de l’annihiler, quitte à y laisser sa vie.

10.1. La Révolution du Pointeur
Si Prime 1 avait inventé le First Person Adventure, Corruption voulait démocratiser le FPS tout court. Satoru Iwata (PDG de Nintendo) avait une obsession : que la télécommande Wii permette à n’importe qui, même aux novices, de viser aussi bien qu’un joueur PC avec une souris.
Le pari est réussi : la visée libre à la Wiimote est d’une fluidité absolue.
Elle permet non seulement de viser, mais d’interagir physiquement. Samus doit littéralement tourner la main pour dévisser des sas, tirer des leviers vers elle (Nunchuk) ou souder des circuits. L’immersion physique remplace l’immersion par le casque du premier épisode.
10.2. L’Hypermode : Le Pouvoir à Double Tranchant
Le cœur du gameplay, c’est la corruption elle-même, d’où le titre de cet épisode. Samus est infectée par le Phazon au début du jeu. Elle obtient le PED Suit, qui lui permet de passer en Hypermode.
Vous devenez invincible et vos tirs traversent tout, malheureusement, cela consomme votre propre vie (une barre d’énergie entière).
Si vous restez trop longtemps en Hypermode, le Phazon prend le dessus. La barre devient rouge et clignote. Si elle se remplit totalement, c’est Game Over : Samus succombe et se transforme en une nouvelle Dark Samus.

10.3. La Guerre Galactique (et la fin de la solitude)
C’est le point qui a divisé les fans puristes. Metroid est traditionnellement un jeu d’isolement total, du moins la saga originale car malgré tout la saga Prime est une saga propre à elle-même, ce qui fait la différence entre les épisodes en vue 2D/3D isométrique et les épisodes complètement 3D.
Or, Corruption commence par un briefing militaire avec un Amiral de la Fédération et trois autres chasseurs de primes alliés (Rundas, Ghor, Gandrayda). Samus reçoit des ordres d’une IA (Aurora Unit 242). Elle voyage de planète en planète avec son vaisseau (Norion, Bryyo, Elysia, Planète Pirate).
On perd le côté « labyrinthe unique interconnecté » pour une structure plus « épisodique ». Mais cela permet des moments épiques inédits, comme la bataille aérienne au-dessus de Skytown ou l’assaut final massif sur la planète vivante Phaaze.
10.4. La Fin de Dark Samus
Le jeu clôt l’arc narratif entamé en 2002 de manière définitive. Samus se rend sur Phaaze, la planète d’origine du Phazon. C’est un monde cauchemardesque entièrement organique et bleu radioactif.
Le combat final contre Dark Samus et l’Unité Aurora 313 est un duel autant physique que psychique. En détruisant Phaaze, Samus éradique tout le Phazon de l’univers connu.

10.5. Les Coulisses de Corruption
Le Code Secret de la Radio : Dans le cockpit du vaisseau de Samus, il y a une radio. Si vous tapez un code spécifique sur le tableau de bord (inspiré des notes de musique du thème de Metroid), vous pouvez entendre un message vocal en japonais. C’est la voix de Kensuke Tanabe (le producteur) qui remercie les joueurs d’avoir joué aux trois épisodes. Un « Easter Egg » brisant le quatrième mur.
L’Hommage à Iwata (Bumper Sticker) : Toujours dans le vaisseau, si vous obtenez un certain « Bumper Sticker » (autocollant) via le système de succès du jeu, vous pouvez coller sur votre tableau de bord un sticker qui dit « Ivory Tower » ou d’autres références. Plus tard, dans Metroid Prime Trilogy, un sticker rend hommage à la chaîne Mii. C’est le seul endroit « personnalisable » de toute la série.
Gandrayda qui se moque de vous : Le boss Gandrayda est une métamorphe. Pendant le combat, elle peut prendre l’apparence de Samus pour vous embrouiller. Mais si vous scannez « votre » copie, le texte du scan est hilarant : il décrit Samus comme « une chasseuse de primes agaçante et persistante ». C’est Gandrayda qui écrit ses propres pensées dans votre viseur !
La Fin Secrète (Le Teasing de 18 ans) : Si vous finissez le jeu à 100%, une cinématique de quelques secondes montre un vaisseau spatial vert et pointu qui suit Samus dans l’espace.
Pendant des années, les fans ont débattu : « Est-ce Sylux de Metroid Prime Hunters ? ». Nintendo n’a jamais confirmé officiellement… Jusqu’à l’annonce de Metroid Prime 4: Beyond où l’on voit enfin Sylux sortir de ce même vaisseau. Ce petit clip de 5 secondes en 2007 contenait la clé de la suite qui n’arrivera que… 18 ans plus tard.
11. Metroid Prime Trilogy (Wii, 2009) et la question du “sequence break”
Metroid Prime Trilogy regroupe les trois épisodes sur un seul disque Wii, les deux premiers étant adaptés au contrôle Wiimote. L’idée vient de Bryan Walker (Retro) qui propose “un cadeau pour les fans”, rapidement validé par Nintendo.
Kensuke Tanabe, producteur, demande alors à Retro de corriger un maximum de bugs, notamment ceux permettant du sequence breaking massif ces routes alternatives que les speedrunners affectionnent. Des développeurs racontent que des séquences célèbres comme le “scan dash” permettant d’obtenir le Space Jump très tôt ont été dédiées passées au crible et souvent neutralisées.
12. Metroid Prime Pinball – Nintendo DS, 2005
12.1. Samus EST une bille
L’idée ne vient pas d’un délire de stagiaire, mais de Kensuke Tanabe lui-même. En voyant le travail du studio anglais Fuse Games sur Mario Pinball Land, il a une illumination : « Samus passe la moitié de son temps en Morph Ball. C’est une bille de flipper naturelle. »
Nintendo valide le projet, raconter toute l’histoire de Metroid Prime 1… Sur une table de flipper. Et ça marche. Les rampes remplacent les couloirs, les bumpers remplacent les ennemis, et les missions s’activent en touchant des cibles.

12.2. Le Rumble Pak : La DS qui vibre
Pour vendre l’immersion, le jeu était livré dans une boîte plus grosse contenant un accessoire unique : le Nintendo DS Rumble Pak. C’était une cartouche GBA qui s’insérait dans le slot 2 de la DS (le port en bas). Elle ne servait à rien d’autre qu’à faire vibrer la console quand la bille tapait un mur. C’est le premier jeu DS à utiliser la vibration (une technologie absente de la console de base). Les puristes noteront que cet accessoire dépasse disgracieusement de la DS Lite, car il était conçu pour la DS « Tank » originale.

12.3. Un Bestiaire adapté au Flipper
Nintendo a bien insisté sur le fait qu’il s’agissait bien d’un jeu d’action sous forme de flipper. Les Boss : Thardus (le monstre de pierre) et l’Omega Pirate sont des boss de table. Vous devez leur lancer la bille dessus (Samus) pour les blesser.
Le Wall Jump : Oui, on peut faire des sauts muraux en flipper ! En secouant la table (écran tactile) au bon moment, la bille peut rebondir sur les parois latérales.
Le Mode Tir : Parfois, Samus sort de sa forme de boule au milieu de la table pour tirer au canon sur des vagues de Metroids qui descendent vers les flippers. On passe du flipper au Space Invaders en une seconde.

12.4. Les Tables
Le jeu propose 6 tables inspirées des biomes de Prime .
La frégate pirate
Surface de Tallon IV
Les gorges de Phendrama
Les Mines de Phazon
Les cavernes de Magmoor : Une table exclusive au multijoueur (oui, on pouvait jouer à 8 avec une seule cartouche !).
Le temple des Artéfacts : L’affrontement final contre Meta Ridley et le Metroid Prime.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, il s’agit pourtant de l’un des meilleurs jeux de flipper jamais sortis sur portable. Il respecte scrupuleusement le lore de Metroid (armes, sons, ennemis) tout en étant un excellent jeu d’arcade.

13. Metroid Prime: Federation Force – Nintendo 3DS,2016
13.1. Le Bad Buzz Historique
E3 2015. Les fans attendent un nouveau Metroid depuis 5 ans. Le trailer démarre. On voit… des robots Chibi qui jouent au football. Le rejet est immédiat et violent. Une pétition pour annuler le jeu récolte 20 000 signatures en 24h.
Pourquoi ce choix artistique ? Kensuke Tanabe explique que sur le petit écran de la 3DS, des proportions réalistes rendaient les personnages illisibles de loin. Le style « Super Deformed » était une nécessité technique pour un jeu de tir multijoueur, pas un choix pour « infantiliser » la série.
Malheureusement, le mal était fait.

13.2. Mais….Où est Samus ?
L’histoire se déroule après Metroid Prime 3. Le Phazon a disparu, mais les Pirates de l’Espace sont toujours là. La Fédération lance l’Opération Golem : créer des Mechs de combat géant basés sur la technologie de l’armure de Samus pour ne plus dépendre d’une seule mercenaire.
Le joueur incarne un Marine anonyme. C’est un changement de perspective intéressant : Samus devient un PNJ légendaire. On la croise parfois de loin. Elle est trop rapide, trop forte. On réalise à quel point elle est terrifiante vue par un soldat normal.
Le jeu culmine avec un affrontement tragique : les Pirates capturent Samus, lui lavent le cerveau, et la transforment en boss géant (via une technologie de changement de taille). Le joueur doit combattre Samus Aran pour la sauver. C’est la seule fois dans la série où l’on doit tirer sur l’héroïne.

13.3. Blast Ball : Le Rocket League de Nintendo
Le jeu incluait un mode compétitif étrange : le Blast Ball. C’est du football en mécha, 3 contre 3. On tire sur une boule géante pour la pousser dans le but adverse.
Si l’idée semblait ridicule aux fans de Metroid, le gameplay était bien pensé, basé sur la physique, la charge de tir et le positionnement tactique. C’était Rocket League avant l’heure (sorti la même année !), mais boudé par la communauté qui voulait juste un vrai jeu d’aventure, a juste titre aussi…
13.4. La Fin Secrète : Sylux passe à l’acte
Tout comme Prime 3, ce jeu contient une scène post-crédits vitale. On y voit un personnage s’infiltrer dans un labo de la Fédération. Il trouve un œuf de Metroid (que les scientifiques avaient réussi à cloner). Il utilise un rayon pour faire éclore l’œuf : le Bébé Metroid ne l’attaque pas, il se pose sur son épaule. Le personnage est Sylux (reconnaissable à son armure bleue vue dans Hunters). Cette scène confirme deux choses pour Prime 4.
Sylux a volé un Metroid et il a trouvé un moyen de les contrôler comme Samus dans Metroid 2. La guerre qui s’annonce dans Beyond sera donc contre un chasseur qui utilise votre propre « animal de compagnie » contre vous.

13.5 Au moins il y aura une bonne chose
Les développeurs, Next Level Games, sont les mêmes génies derrière Luigi’s Mansion 3. Bien que Federation Force ait été haï, Nintendo a reconnu la qualité technique de leur travail et a fini par racheter le studio en 2021. C’est donc un échec commercial qui a mené à une « Happy End » corporative.
13.6 Des petits secrets bienvenus
Samus en version « Amiibo » : Si vous utilisez l’amiibo Samus (série Smash Bros. Ou Metroid) dans le jeu, votre Mecha change de peinture pour adopter les couleurs orange et rouge de l’armure Varia. Mais le plus drôle, c’est l’amiibo Zero Suit Samus : il donne à votre robot géant une peinture bleue moulante… Ce qui est visuellement très étrange sur une machine de guerre de 3 tonnes.
Le Caméo de Mario et Bowser : Dans la mission « Ball Game » (où l’on doit pousser des boules dans des trous, comme au golf), les balles ont parfois des motifs spéciaux. Si vous êtes chanceux, vous pouvez tomber sur une balle avec le visage de Mario ou de Bowser. C’est un clin d’œil au fait que Next Level Games a aussi développé Mario Strikers Charged.
Le « Konami Code » de la Victoire : Après avoir gagné un match de Blast Ball, pendant la célébration, si vous tapez des directions spécifiques sur la croix directionnelle, votre Mecha fait des danses de victoire cachées (breakdance, salut militaire, chute comique).
Le Clin d’œil à Star Fox : Dans une mission d’infiltration, on peut voir sur un écran de contrôle une trajectoire de vol affichée qui correspond exactement à la route de la mission « Corneria » dans le premier Star Fox sur SNES. Un petit hommage entre franchises de SF Nintendo.
14. Metroid: Other M – WII, 2010
Le jeu commence par une recréation magnifique en CGI de la fin de Super Metroid : Samus détruit Mother Brain, sauvée par le sacrifice du « Bébé » Metroid. Traumatisée par la perte de celui qu’elle considérait comme son enfant, Samus répond à un signal de détresse sur la « Station Bouteille » (Bottle Ship) et non non, ce n’est pas une blague. Ce jeu amènera Samus aux évènements de Metroid Fusion.
14.1. L’Alliance Contre-Nature : Nintendo x Team Ninja
Après la trilogie américaine de Retro Studios, Yoshio Sakamoto voulait reprendre le contrôle de son « bébé » et lui redonner une sensibilité japonaise. Il a choisi le studio Team Ninja (Ninja Gaiden, Dead or Alive), connu pour ses jeux d’action ultra-rapides et ses héroïnes stylisées.
Leur mission : créer le « Metroid Ultime », fusionnant la 2D (gameplay) et la 3D (visuels).
Sur le papier, le gameplay est une réussite technique : Samus est vive, brutale. Elle exécute des prises de catch sur les ennemis affaiblis, esquive à la milliseconde et passe de la vue 3ème personne à la vue 1ère personne en pointant simplement la Wiimote vers l’écran. C’est le Metroid le plus cinématique jamais fait.
Pour ma part, malgré toute la polémique que ce jeu a engendrée, il fait partie de mes préférés, mais je suis entièrement d’accord avec les points suivants aussi, ce jeu est un plaisir coupable.

14.2. Le Désastre de l’Autorisation
Dans tous les Metroid, Samus perd ses armes à cause d’une explosion ou d’un accident. Dans Other M, elle a toutes ses armes dès le début. Mais elle refuse de les utiliser. Pourquoi ? Parce que son ancien officier supérieur, Adam Malkovich, ne lui a pas donné la permission. Cela crée des situations absurdes qui ont ruiné l’immersion des joueurs.
Samus traverse le Secteur Pyrosphere, un volcan et sa vie descend en continu parce qu’elle n’active pas sa Varia Suit qu’elle possède sur elle. Elle attend qu’Adam lui dise par radio : « Ok Samus, tu peux activer ta combinaison anti-chaleur maintenant » après 10 minutes de souffrance. Cette mécanique d’infantilisation, où l’héroïne la plus puissante de la galaxie attend la permission pour ne pas mourir, a été vivement critiquée comme une régression, sachant que Samus n’en était pas à sa première aventure mortelle.
14.3. Le Traumatisme Ridley : La Scène qui fâche
Dans les jeux précédents, Samus affronte sa némésis sans sourciller. Elle est une guerrière stoïque. Dans Other M, quand Ridley apparaît, Samus fait une crise de panique. Elle tremble, pleure et redevient une petite fille terrifiée, incapable de bouger alors que son ami se fait tuer devant elle.
Sakamoto voulait montrer la vulnérabilité humaine derrière l’armure. Les fans ont vu une trahison de 20 ans de construction de personnage. Pour beaucoup, la vraie Samus n’aurait jamais pleuré devant le monstre qu’elle a déjà tué trois fois.

14.4. Anthony Higgs, le seul rayon de soleil
Au milieu de ce naufrage narratif, un personnage a conquis le cœur des fans : Anthony Higgs.
C’est un soldat noir charismatique, ancien collègue de Samus, qui lâche la réplique culte dès la première bande-annonce : « Remember me? ». Contrairement à Adam qui est froid et autoritaire, Anthony est loyal, drôle, et sauve réellement Samus à plusieurs reprises, notamment contre Ridley. Il est l’un des rares soldats de la Fédération à survivre à un jeu Metroid, ce qui en fait techniquement le meilleur soldat de l’histoire de la Fédération.
14.5. Le Pixel Hunt Infernal
Le jeu a introduit des séquences d’enquête à la première personne où l’on ne peut plus bouger. On doit trouver un détail minuscule sur l’écran pour avancer. Parfois, c’est un pixel vert dans un buisson vert. Parfois, c’est du sang sombre dans un coin sombre. Ces séquences cassaient net le rythme frénétique du jeu, forçant le joueur à pointer sa Wiimote partout au hasard en priant pour que le curseur devienne rouge. Une idée de « film interactif » mal exécutée qui ne reviendra jamais.
Verdict : Other M reste le mouton noir. Un excellent jeu d’action Team Ninja coincé dans un mauvais film interactif. Son échec critique a été si violent qu’il a poussé Nintendo à mettre la franchise au frigo pendant 7 ans, jusqu’au retour salvateur de Samus Returns.
Mais pourquoi, malgré tout cela et étant grand fan de Metroid, je vous ai dit que Other M me plaisait malgré tout ?

14.6. Dans les Entrailles d’Other M
Le Secret du « New Game+ » : Une fois le jeu fini, vous débloquez le Theater Mode (un film de 2 heures regroupant toutes les cinématiques et phases de gameplay pour en faire un long métrage). Mais surtout, vous débloquez le Hard Mode. Dans ce mode, il n’y a aucun missile Tank ni Energy Tank à ramasser. Vous faites tout le jeu avec votre barre de vie de base et 10 missiles. C’est une brutalité absolue qui transforme le jeu en un véritable test de réflexes « Ninja Gaiden », prouvant que le système de combat est excellent quand on retire le blabla.
Le Boss Secret : Phantoon : Après le générique de fin, le jeu n’est pas terminé. Vous pouvez retourner explorer le vaisseau. En vous rendant au Secteur Zero, vous tombez sur un boss caché non annoncé : Phantoon, le fantôme de Super Metroid. C’est un combat spectaculaire, probablement le meilleur du jeu. C’est le seul moment où le jeu vous laisse enfin libre d’explorer sans Adam pour vous donner des ordres.
L’Armure qui « respire » : C’est un détail visuel impressionnant. Quand Samus est faible en santé, son armure change physiquement. Les parties vertes virent au rouge, mais surtout, ses épaulières se soulèvent et s’abaissent lourdement, imitant une respiration haletante. On « voit » la fatigue de Samus à travers le métal.
Le « Shinespark » caché : Le jeu ne vous l’apprend jamais, mais le Shinespark (l’attaque comète) est présent. Si vous courez avec le Speed Booster et que vous sautez vers un ennemi, Samus exécute un Shinespark cinématique qui tue la plupart des boss en un coup (ou leur enlève une barre de vie entière). C’est une technique de speedrun dévastatrice laissée là pour les vétérans de la SNES.

14.7. L’Origine du Malaise de Other M : Le Manga de 2004
Pour comprendre la « nouvelle » personnalité de Samus dans Other M, il faut remonter à 2004. À l’époque de Zero Mission, Nintendo publie un manga préquel en deux tomes racontant la jeunesse de Samus.
Dans ce manga (canonique selon Sakamoto), on voit que :
Ridley massacre les parents de Samus, étant encore qu’une petite fille, sous ses yeux.
Samus, adolescente, fait une crise de panique (PTSD) lors de sa première rencontre avec Ridley, mettant son équipe en danger.
Sa relation père-fille conflictuelle avec Adam Malkovich.

14.8. L’Erreur de Sakamoto
Dans Other M, Sakamoto a voulu adapter ces éléments du manga en jeu vidéo.
Le manga se passe avant le premier jeu. Une Samus jeune et inexpérimentée qui panique, c’est logique. Vu que nous sommes dans son passé avant qu’elle devienne la plus grande chasseuse de la galaxie.
Other M se passe après Super Metroid. À ce stade, Samus a déjà tué Ridley dans Metroid 1, Prime 1, Prime 3 et Super Metroid. Voir une guerrière vétérane, qui a sauvé la galaxie cinq fois, s’effondrer en larmes comme l’adolescente du manga n’avait aucun sens chronologique. Sakamoto a confondu « développement de personnage » et « régression », imposant la fragilité du manga à une héroïne qui l’avait dépassée depuis longtemps.
Le jeu n’est pas « faux », il est juste mal placé dans la timeline de l’évolution psychologique de Samus. Et c’est pour cela que je continuerai à défendre ce titre injustement et justement critiqué, mais il faut avoir connu les comics/manga pour apprécier cet épisode.
15. Metroid: Samus Returns – Nintendo 3DS, 2017
15.1. Le Sang Neuf : MercurySteam à la rescousse
En 2015, Nintendo cherchait une équipe pour moderniser Metroid II. Yoshio Sakamoto a été impressionné par un pitch de remake de Fusion proposé par le studio espagnol MercurySteam (auteurs de Castlevania: Lords of Shadow). Il a refusé le remake de Fusion, mais leur a confié Metroid II. C’était un test. Si le studio réussissait, ils auraient les clés pour le « Metroid 5 » (Dread) que Sakamoto rêvait de faire depuis 15 ans. Le résultat est une fusion parfaite : le respect japonais pour la structure et la fougue occidentale pour l’action cinématique.
15.2. La Contre-Attaque
C’est LA nouveauté qui change tout. Dans les vieux Metroid, si un ennemi vous fonce dessus, vous reculez en tirant. Dans Samus Returns, vous ne reculez plus. Vous attendez. Au dernier moment, sur un flash blanc, vous appuyez sur X pour mettre un coup de canon violent qui étourdit l’ennemi, puis vous le pulvérisez.
Cela renforce le côté guerrière de Samus.. Elle devient une experte en combats rapprochés qui punit toute créature assez bête pour l’approcher. Certains puristes ont trouvé que cela impactait le rythme de s’arrêter pour contrer, mais cela a rendu les combats beaucoup plus dynamiques et brutaux.

15.3. Les Pouvoirs Aeion : La Magie Chozo
Pour moderniser le gameplay, le jeu introduit une jauge jaune d’énergie Aeion qui alimente quatre nouvelles capacités surpuissantes :
Le rayon Scan qui révèle une partie de la carte et les blocs destructibles. Fini le besoin de bombarder chaque mur au hasard !
Une armure électrique qui absorbe les dégâts (invincibilité temporaire).
Une mitrailleuse laser rapide.
La zone de phase, Samus ralentit le temps autour d’elle pour marcher sur des blocs friables ou passer des portes rapides.

15.4. Diggernaut : Le Boss qui n’existait pas
Dans le jeu original sur Game Boy, il n’y avait que des Metroids et la Reine. C’était un peu répétitif. MercurySteam a ajouté un boss totalement inédit : le Diggernaut.
C’est une machine de forage géante Chozo devenue folle. Le combat est un puzzle mécanique en trois phases qui demande d’utiliser la Spider Ball pour grimper sur ses chenilles en mouvement et aspirer l’énergie de sa tête. C’est l’un des combats les plus complexes et satisfaisants de la série 2D, prouvant que le studio pouvait créer ses propres monstres iconiques.

15.5. Le Teasing Chozo (Memories)
Si vous débloquez les mémoires Chozo, vous découvrez une fresque qui raconte l’histoire de SR388. La dernière image a choqué les fans en 2017 : on y voit un Chozo en armure tuer de sang-froid les scientifiques Chozo qui ont créé les Metroids. Ce général Chozo mystérieux a un bras canon et une cape noire. Personne ne savait qui c’était à l’époque. Quatre ans plus tard, dans Metroid Dread, on découvrira qu’il s’agit de Raven Beak, le grand méchant final.
Tout était déjà écrit !
15.6. Le Choc des Générations
Samus Returns ne remplace pas Metroid II, il le transforme. Hormis des zones totalement nouvelles, il a apporté beaucoup de choses.
Une Carte (Enfin !) : Sur Game Boy, on naviguait à l’aveugle. Sur 3DS, l’écran tactile affiche une carte détaillée en temps réel. On peut même y placer des marqueurs de couleur. Cela supprime la frustration de se perdre, mais retire un peu du sentiment d’oppression du labyrinthe original.
Le Boss Final Surprise : Sur Game Boy, le jeu finissait après la Reine Metroid et la balade calme avec le Bébé. Sur 3DS, alors que vous êtes sur le point de décoller, Ridley (sous sa forme « Proteus Ridley » mi-organique mi-robot) attaque. C’est un combat épique en 3 phases qui n’existait pas du tout en 1991. Il sert de « lien » pour expliquer pourquoi Ridley vole le Bébé au début de Super Metroid.
La Téléportation : Le jeu ajoute des stations de téléportation (Teleport Stations) pour voyager rapidement entre les zones. Indispensable pour le backtracking, alors que sur Game Boy, il fallait tout refaire à pied.
La Visée Libre (Free Aim) : Sur Game Boy, on tirait devant ou en haut. Sur 3DS, en maintenant L, Samus s’arrête et peut viser à 360° avec le laser. C’est la précision appliquée à la 2D.

15.7. Retour sur SR388
Le Mode Fusion (Impossible à avoir aujourd’hui) : Le jeu cache un mode de difficulté ultra-hardcore appelé « Fusion Mode ». Samus y porte sa combinaison bleue de Metroid Fusion et les ennemis font des dégâts monstrueux. Le scandale ? Ce mode était bloqué derrière un Amiibo spécifique (le pack double Metroid Samus Returns) qui est devenu introuvable et hors de prix très rapidement. Si vous n’avez pas cette figurine plastique, ce contenu est physiquement présent sur votre cartouche mais inaccessible à jamais.
Le Bébé Metroid Vorace : À la fin du jeu, le Bébé Metroid vous suit. Il n’est pas juste là pour faire joli. Il peut manger les Cristaux de Diamant rouges qui bloquaient certains passages tout au long du jeu. Cela oblige le joueur à refaire tout le tour de la carte avec le bébé pour obtenir 100 % des objets avant de quitter la planète. C’est une manière intelligente (ou agaçante) de forcer un dernier tour de piste « père-fille ».
L’Hommage à la Game Boy : Dans les crédits de fin, on peut voir des images du jeu original en vert et noir s’incruster par-dessus les images du remake en 3D, montrant l’évolution exacte des scènes (l’arrivée du vaisseau, la première mue de Metroid). C’est un respect touchant pour l’œuvre de 1991.
La Reine et l’Estomac : Le combat final contre la Reine Metroid reprend une astuce culte de l’épisode Game Boy. Si la Reine vous avale, vous n’êtes pas mort. Le jeu passe en vue intérieure (dans son estomac). Si vous utilisez la Power Bomb à ce moment précis (comme dans le jeu original avec les bombes classiques), vous la faites exploser de l’intérieur, abrégeant le combat de manière spectaculaire.
16. Metroid Dread – Switch, 2021
16.1. Un projet fantôme depuis les années DS
Metroid Dread est conçu par Sakamoto dès le milieu des années 2000, pour Nintendo DS. L’idée : pousser plus loin les séquences d’horreur légère de Fusion avec le SA‑X, en faisant de Samus la proie d’un ennemi implacable dans des zones spécifiques, un gameplay basé sur la peur, sans pour autant faire un survival horror.
Deux tentatives de développement DS ont lieu, vers 2005 puis 2008, mais Sakamoto juge à chaque fois que la technologie ne permet pas de retranscrire l’ennemi intimidant qu’il imagine ; le projet est abandonné. Le titre “Metroid Dread” fugace dans une liste interne de jeux DS non annoncés alimentera pendant des années rumeurs et fantasmes.

16.2. Nintendo Switch, MercurySteam et réalisation de la vision
Après Samus Returns, Sakamoto approche MercurySteam précisément pour concrétiser Dread. Il explique que la puissance de la Switch et l’environnement de développement moderne permettent enfin de dépasser ce qu’il avait rêvé 15 ans plus tôt.
Retour en 2D, mais avec un moteur 3D, une animation extrêmement fluide, 60 FPS fixes en portable comme en docké.
Introduction des E.M.M.I., robots quasi indestructibles qui patrouillent des zones fermées, où Samus doit fuir et improviser ; Sakamoto veut un ennemi froid, inhumain, dédié à la traque.
Nintendo l’a promis, Dread est la conclusion de l’histoire commencée sur NES. L’intrigue révèle enfin qui est le « Général Chozo » vu dans Samus Returns : Raven Beak.
Il est le père génétique de Samus (celui qui a donné son ADN pour la sauver enfant). Il veut récupérer l’ADN Metroid qui coule maintenant dans les veines de Samus depuis Fusion pour créer une armée de clones invincibles. Metroid Dread en profite aussi pour conclure l’arc commençait avec Fusion concernant les parasites X.
Le twist final est biologique : Samus ne se contente plus d’avoir de l’ADN Metroid. Elle devient un Metroid, le dernier Metroid…..la galaxie est en paix
À la fin du jeu, son armure devient verte et organique (Metroid Suit). Elle peut absorber l’énergie vitale des ennemis par simple contact. Elle est devenue le prédateur ultime, bouclant la boucle : le monstre qu’elle devait détruire dans le premier jeu, c’est désormais elle-même

16.3. Pensé pour le speedrun et le sequence breaking
Dread est explicitement construit pour le speedrun.
Les cinématiques n’augmentent pas le timer de jeu.
Plusieurs moves avancés (slide‑jump, pseudo Wave Beam, bomb‑jump dans l’eau) permettent des sequence breaks sophistiqués,
Des boss comme Kraid peuvent être “one‑shot” via une animation secrète si on obtient certaines capacités plus tôt (bombes, grappin) en cassant l’ordre prévu.
Les développeurs jouent ici à l’opposé de la philosophie de Prime Trilogy : ils intègrent dans le level design des raccourcis cachés et des routes alternatives volontaires, rendant observable la maturation de la relation de Nintendo à sa communauté la plus experte.

16.4. Les Détails Cachés
Raven Beak vous juge : Dans la scène d’intro, Raven Beak épargne Samus. Pourquoi ? Si vous recommencez le jeu en « Hard Mode » ou si vous mourez contre lui, l’écran de Game Over affiche parfois un message en langue Chozo. Une fois traduit, il dit : « Tu n’es pas encore prête. Montre-moi ton potentiel. » Il ne vous a pas ratée. Il vous entraîne. Tout le jeu est un test pour éveiller votre ADN Metroid.
Le Salut de l’Etecoon : Dans la région de Ferenia, on peut voir au second plan (en tout petit) un Etecoon et un Dachora (les animaux de Super Metroid). Si Samus s’arrête et pose une bombe, l’Etecoon réagit et saute de joie. C’est la preuve qu’ils ont survécu à l’explosion de Zebes et se sont reproduits sur d’autres planètes.
La Mort de Kraid : Quand Kraid meurt dans la lave, il fait un dernier geste : il croise les bras sur son torse en coulant. C’est une référence directe à la pose de mort du T-800 dans Terminator 2. MercurySteam adore le cinéma.
L’Armure Gravity « Cassée » : Regardez bien le dos de Samus quand elle porte la Gravity Suit (violette). Les lumières ne sont pas symétriques. C’est un bug de texture qui existait sur le sprite original de Super Metroid en 1994. Les développeurs l’ont recréé volontairement en 3D HD par pur respect pour l’histoire.
Avec près de 3 millions d’exemplaires vendus, Dread est devenu le jeu Metroid le plus vendu de tous les temps, dépassant le premier Metroid Prime (2002). Il a prouvé à Nintendo que la 2D « hardcore » avait encore un immense public, sécurisant l’avenir de la franchise pour les 10 prochaines années ( et il y a intérêt à en sortir d’autres après Beyond !!)
17. Metroid Prime Remastered – Nintendo Switch, 2023
En février 2023, Nintendo lâche un Shadow Drop (sortie immédiate après annonce) qui surprend tout le monde. Ce n’est pas un simple portage HD, c’est une reconstruction graphique totale.
17.1 Pourquoi c’est plus qu’un remaster :
Alors que le code source est identique à 100% à la version GameCube de 2002, tout l’aspect visuel a été refait par Retro Studios avec l’aide de studios externes comme Iron Galaxy.
Samus, les ennemis et les décors ont été resculptés avec un niveau de détail moderne. Ajout de lumières dynamiques de haute qualité, matériaux PBR (rendu physique réaliste pour le métal, la roche) et effets de particules denses.

4 options de contrôles : Le jeu réconcilie enfin toutes les écoles en proposant :
Double Stick : Comme un FPS moderne (Call of Duty).
Pointeur : Comme sur Wii, pour viser avec le Joy-Con.
Classique : Comme sur GameCube.
Hybride : Un mélange des deux.
Retro Studios a poussé le vice jusqu’à recréer l’effet de l’onde de choc du canon qui déforme légèrement l’air chaud au bout de l’arme après un tir chargé, un effet impossible à faire proprement en 2002. C’est aujourd’hui, techniquement et artistiquement, la plus belle version d’un jeu Nintendo sur Switch.
18. Metroid Prime 4: Beyond – Nintendo Switch 2, 2025
18.1. Un développement mouvementé
Annoncé une première fois à l’E3 2017 simplement par un logo, Metroid Prime 4 est d’abord confié à une équipe non dévoilée publiquement plusieurs enquêtes sérieuses convergent vers Bandai Namco Studios à Singapour et au Japon, sous la supervision de Kensuke Tanabe.
En janvier 2019, Shinya Takahashi publie une vidéo rare pour Nintendo : la version en cours “n’atteint pas les standards” de la société, le développement est rebooté depuis zéro et confié à Retro Studios, avec Tanabe toujours producteur. Autrement dit, Prime 4 redevient un projet “Retro + Kyoto” comme la trilogie originale, mais en pleine ère HD et en pleine pandémie.
Retro doit en parallèle s’occuper de Metroid Prime Remastered, projet mené avec l’aide de multiples studios externes (Iron Galaxy, Airship Images, etc.), en réécrivant la base de code de Prime dans leur moteur interne RUDE et en visant des graphismes “best in class” sur Switch, le tout en pleine crise COVID et sous les coups de plusieurs tempêtes de glace au Texas qui privent le studio d’électricité et d’eau pendant des jours.
Une rétrospective récente montre que ce travail de “remaster archéologique” fouiller des bases de données vieilles de 20 ans, reconstruire des effets de lumière avec les outils modernes a servi de tremplin technique pour Beyond.

18.2. Beyond : place dans la chronologie
L’histoire se déroule après Metroid Prime: Federation Force. Samus est projetée sur la planète inconnue Viewros, où elle se retrouve au cœur d’un conflit impliquant une nouvelle civilisation (les Lamorn) et son rival Sylux, déjà entrevu dans Hunters et teasé à la fin de Corruption.
Comme les autres Prime, Beyond reste situé entre Metroid 1/Zero Mission et Metroid II/Samus Returns dans la grande timeline, mais tout au bout de l’ère Prime.
Samus gagne de nouvelles capacités lui permettant de contrôler ses tirs de beam et de manipuler des objets à distance, évoquées dans les descriptions récentes du personnage.
Vi‑0‑La, une sorte de moto anti‑gravité utilisée pour parcourir un hub central et relier de vastes zones ; une première dans la série, qui reste toutefois cadrée dans un design “hub & régions” plutôt qu’un open world intégrale.
Sur Switch 2, Beyond propose un mode 4K/60 FPS ou 1080p/120 FPS, avec la possibilité d’utiliser les Joy‑Con 2 comme une souris pour la visée, renforçant le côté “PC‑like” de l’expérience sans sacrifier l’ADN console.

19. Beyond, et après ?
Metroid Prime 4: Beyond clôt symboliquement un cycle entamé au début des années 2000 : celui de la 3D à la première personne, de l’ère Retro Studios, du Phazon et de Sylux. Il le fait dans un paysage où Metroid n’est plus un culte obscur, mais un pilier qui a donné naissance à un genre entier et dont les codes irriguent l’indé comme le AAA.
Beyond ne ferme pas ce livre ; il en tourne un chapitre. Samus, désormais dotée de capacités psychiques et d’un arsenal ludique enrichi, continue d’arpenter des ruines, des laboratoires et des mondes inconnus et chaque génération de hardware lui donnera de nouveaux espaces à conquérir.

20. Une Compagne de Vie
On dit souvent qu’on ne choisit pas sa famille, mais on choisit ses héros. Moi, je n’ai pas choisi un plombier moustachu ou un elfe en tunique verte. J’ai choisi la fille en armure.
Écrire ce dossier encyclopédique n’était pas juste un travail de recherche. C’était remonter le fil de ma propre vie. Metroid, c’est le souvenir de mes peurs d’enfant devant l’écran monochrome de la Game Boy, éclairé à la lampe de poche sous la couette pour affronter les horreurs de SR388.
C’est le choc de l’adolescence devant Super Metroid, quand j’ai compris qu’un jeu vidéo pouvait me faire pleurer sans dire un seul mot, juste avec le sacrifice d’une méduse de l’espace.
C’est la claque de l’âge adulte avec Metroid Prime, découvrant que mon univers 2D préféré pouvait devenir un monde 3D palpable, où la pluie ruisselait sur ma visière comme sur mes propres lunettes.
Cette saga est une survivante. Comme Samus. J’ai grandi en la voyant tomber, perdre ses pouvoirs, être trahie par ses supérieurs, être isolée sur des planètes hostiles… Et se relever. Toujours.
Chaque fois que la vie était dure, que je me sentais seul ou perdu, relancer une partie de Metroid était un refuge. Pas parce que c’est un jeu facile, au contraire, c’est un jeu exigeant, mais parce qu’il nous apprend une vérité fondamentale : même seul, même sans aide, même perdu dans le noir, on finit toujours par trouver la sortie.
Aujourd’hui, alors que Metroid Prime 4: Beyond tourne enfin dans ma Switch 2 après tant d’années d’attente, je ne vois pas juste des pixels. Je vois une vieille amie qui revient de loin.
Merci, Gunpei Yokoi. Merci, Retro Studios. Merci, MercurySteam. Merci, Nintend0
Et surtout, merci à toi, Samus Aran.
Pour ceux qui seront jusqu’au bout de cet article, déjà Merci et pour l’enfant qui vit encore en moi
See you next mission.





