Seafarer: The Ship Sim

Dans l’univers déjà saturé des simulateurs de transport terrestre et aérien, l’industrie maritime restait jusqu’ici l’enfant pauvre du genre. C’est dans ce contexte que débarque Seafarer: The Ship Sim, développé par Astragon Development (anciennement Independent Arts Software) et édité par Astragon Entertainment. Après avoir fait ses armes sur des titres comme Construction Simulator 4, le studio allemand tente de combler ce vide avec une simulation navale ambitieuse, sortie en accès anticipé le 7 octobre 2025 sur PC via Steam et l’Epic Games Store.
Dès le premier regard, on comprend que l’équipe veut jouer dans la cour des grands : moteur Unreal Engine 5, simulation de vagues NVIDIA WaveWorks 2.0, et une promesse de plus de 30 heures de gameplay dès le lancement. Mais derrière ces belles promesses techniques se cache-t-il vraiment le simulateur maritime que l’on attend depuis si longtemps ?
Capitaine d’un jour, marin pour toujours
Contrairement aux simulateurs qui nous jettent directement dans le grand bain, Seafarer nous propose un mode histoire. On incarne un capitaine en devenir qui a pour but de créer une entreprise maritime indépendante. L’aventure commence modestement en tant que prestataire pour devenir un grand des entreprises maritimes.
Chaque mission s’inscrit dans une progression logique, alternant entre défis techniques et développement de l’intrigue. On sent que les développeurs ont voulu éviter l’écueil des simulateurs qui enchaînent les missions sans âme et apporter le petit plus dans ce style de jeu.
Un monde ouvert qui inspire
L’univers de Seafarer s’inspire des paysages côtiers d’Europe du Nord : ports industriels, plateformes pétrolières, phares majestueux et côtes escarpées composent un décor crédible et varié. On ressent véritablement cette atmosphère maritime nordique, entre brumes matinales et couchers de soleil dorés sur les flots.
Je regrette le manque d’informations précises sur la taille réelle de cette carte. Les développeurs parlent d’un monde massif, mais sans donner de chiffres concrets. D’après mes premiers tests, les distances entre ports semblent conséquentes, plus de 10 nautiques entre certains points, mais il faudra davantage d’exploration pour juger de l’ampleur réelle du terrain de jeu.
En accès anticipé, Seafarer propose une flotte initiale de six navires répartis entre les deux factions. Chez Crescentport Logistics, le remorqueur Bernhard nous accompagne dans nos premières missions de tractage, tandis que le ferry Herbert se charge des transports de marchandises. Du côté de Tide Guard, les bateaux de patrouille Rigid et Density assurent la surveillance maritime, épaulés par les spécialistes de l’intervention incendie Archer et Lancer.
Chaque navire possède ses propres caractéristiques de maniement et ses spécificités techniques. Le remorqueur, avec ses hélices orientables à 360°, demande une approche complètement différente du ferry aux trois propulseurs.
Le système de progression permet d’acquérir de nouveaux navires en gagnant de l’expérience et de l’argent. Un système bancaire permet même de contracter des prêts pour les investissements les plus importants, ajoutant une dimension de gestion financière.
Sous le pont, ça bosse dur
L’architecture des missions de Seafarer repose sur deux modes distincts. Le mode Histoire nous guide dans une progression narrative structurée, tandis que le mode Partie Rapide permet de se lancer directement dans l’action.
Les missions de transport de marchandises constituent le cœur de l’expérience. Le processus complet du chargement à l’aide des grues au déchargement dans le port de destination nous immerge dans la réalité du métier. Chaque étape demande une attention particulière, transformant ce qui pourrait n’être qu’un simple trajet en véritable défi logistique.
Les interventions d’urgence pimentent agréablement l’ensemble. Répondre à un SOS, porter secours à un navire en détresse ou lutter contre un incendie en haute mer, pour le moment il s’agit de mes interventions préférées du jeu.
Toutefois, le système n’est pas exempt de défauts. Les pannes mécaniques aléatoires, censées ajouter du réalisme, surviennent parfois avec une fréquence excessive qui peut devenir agaçante. Devoir interrompre une mission paisible toutes les dix minutes pour changer un filtre à air finit par casser le rythme.
Au cœur de la machine
L’une des forces majeures de Seafarer réside dans son approche de l’interactivité. Contrairement aux simulateurs qui nous cantonnent au poste de pilotage, ici on peut librement déambuler sur l’ensemble du navire.
Les sections motrices sont particulièrement soignées. Chaque panneau de contrôle affiche des informations techniques détaillées : température, pression d’huile, état des filtres. Lorsqu’une panne survient, il faut physiquement se rendre sur place, diagnostiquer le problème et effectuer les réparations nécessaires via des mini-jeux simples mais efficaces.
Manipuler les grues pour le chargement, déployer les canons à eau pour l’extinction d’incendies, ou manœuvrer les treuils pour le remorquage… Chaque action demande une intervention manuelle qui renforce l’immersion.
Le système d’équipage, accessible dès le niveau 3, promet d’enrichir encore cette expérience. Pouvoir déléguer certaines tâches techniques à des spécialistes (ingénieur, officier de pont) devrait alléger la charge de travail sur les plus gros navires tout en ajoutant une dimension managériale, Astragon n’a fait les choses à moitié.
Un système de progression qui tient le cap
La progression dans Seafarer s’articule autour d’un système d’expérience classique. Chaque mission accomplie rapporte des points d’XP qui débloquent progressivement de nouveaux équipements : projecteurs, radios perfectionnées, canons à eau, jumelles améliorées et autres.
L’éditeur de personnage, bien qu’assez basique, permet de personnaliser l’apparence de notre capitaine. Cheveux, visage, vêtements… Les options restent limitées et entre nous j’ai rarement connu des simulateurs qui avait un système d’éditeur de personnages poussé.
La gestion de flotte constitue un aspect supplémentaire du jeu. Pouvoir posséder plusieurs navires simultanément et les déployer selon les besoins ouvre des perspectives financières. Faut-il investir dans un cargo polyvalent ou spécialiser sa flotte ? À vous de faire les bons choix pour étendre votre empire maritime.
Tous à bord ?
Sur le plan de l’accessibilité, Seafarer fait des efforts sans révolutionner le genre. L’interface reste claire et lisible, avec des indicateurs visuels bien pensés. Comme le jeu est en accès anticipé, j’ai rencontré l’impossibilité de personnaliser entièrement les touches du clavier, me retrouvant avec un mode QWERTY imposé le Z ne voulant pas être reconnu.
Fort heureusement, le support manette s’avère excellent et même préférable au clavier-souris. Les contrôles analogiques se révèlent particulièrement adaptés aux manœuvres délicates de navigation, offrant une précision supérieure pour les virages serrés en port ou les approches d’accostage. La vibration de la manette ajoute même un retour bienvenu lors des contacts avec les quais ou des changements de régime moteur.
Malheureusement, aucune information n’a été communiquée sur d’éventuelles options d’accessibilité spécifiques (sous-titres, assistance visuelle, etc.). Pour un titre qui ambitionne de toucher un large public, cette lacune est regrettable et mériterait d’être corrigée dans les futures mises à jour.
L’absence totale de traduction française constitue un véritable obstacle pour les joueurs francophones. Dans un genre de simulation qui repose largement sur la compréhension des instructions techniques, des procédures de sécurité et des communications radio, cette limitation devient particulièrement pénalisante. Les termes nautiques spécialisés, les noms d’équipements et les consignes d’urgence exclusivement en anglais peuvent dérouter même les joueurs ayant un niveau d’anglais correct.
Unreal Engine 5 met les voiles
Le jeu tourne sous le moteur Unreal Engine 5, et oui, encore lui. Les environnements marins bénéficient d’un niveau de détail qualitatif, des reflets subtils sur la coque des navires aux jeux d’ombres et de lumières sur les superstructures. La modélisation des bateaux atteint un bon niveau de précision, chaque élément étant fidèlement reproduit.
L’intégration de NVIDIA WaveWorks 2.0 constitue un ajout au titre. La simulation des vagues atteint un degré de réalisme prenant, les mouvements de l’eau réagissant naturellement aux changements météorologiques et aux déplacements des navires, attention au mal de mer.
Sans parler des effets météo dynamiques en compléments, tempêtes avec vagues déchaînées, brumes matinales, averses soudaines… Chaque condition climatique modifie sensiblement le gameplay et l’ambiance visuelle.
Seafarer montre des signes de manque d’optimisations propres à son statut d’accès anticipé. En réglages « High », l’expérience reste fluide sur une configuration milieu de gamme, mais le passage en « Ultra » révèle quelques instabilités. Les développeurs ont d’ailleurs reconnu ces problèmes et promettent des optimisations durant la phase d’accès anticipé.
Quelques bugs mineurs parsèment l’expérience : problèmes d’affichage occasionnels, clipping sur certains éléments, ou encore quelques soucis de collision. Rien de rédhibitoire, mais suffisant pour rappeler le caractère précoce de cette version.
La houle du réalisme
L’animation des navires constitue l’un des points forts du jeu, j’ai envie de dire encore heureux pour un simulateur. Chaque embarcation réagit de manière crédible aux mouvements de la mer, avec des tangages et roulis qui varient selon la taille et le type de navire. Le remorqueur vif et nerveux contraste avec la masse imposante du cargo, créant des sensations de pilotage distinctes.
Les animations des personnages restent, on va dire, passables.
L’IA des navires civils ajoute de la vie aux zones portuaires. Croiser d’autres embarcations suivant leurs propres routes commerciales renforce l’impression d’évoluer dans un écosystème maritime authentique.
Une ambiance sonore qui prend l’eau
La conception sonore de Seafarer oscille entre réussite et approximation. Les bruitages moteurs sont particulièrement soignés, chaque type de navire possédant sa signature sonore distinctive.
Les sons d’ambiance maritime atteignent un niveau de qualité honorable. Clapotis des vagues contre la coque, sifflement du vent dans les superstructures, craquements de la structure par gros temps… L’immersion auditive fonctionne globalement bien.
Malheureusement, la bande sonore musicale déçoit par sa discrétion excessive. Trop souvent réduite à un fond sonore anecdotique, elle peine à créer une véritable atmosphère. On aurait apprécié des compositions plus marquées pour souligner les moments d’intensité ou accompagner les phases contemplatives de navigation hauturière, une bonne musique pour profiter de l’horizon lointain.
Le doublage, entièrement en anglais, remplit son office mais sans plus. Les communications radio, censées ajouter du réalisme, souffrent du même mal : fonctionnelles mais dénuées de charisme.
Cap sur l’avenir
Les développeurs d’Astragon ont dévoilé une roadmap détaillée pour la phase d’accès anticipé. La mise à jour « The LNG & Bulk Update », prévue pour le quatrième trimestre 2025, promet d’enrichir l’expérience avec trois nouveaux navires : le Big Trip pour les conteneurs, le Bulk Willy pour le vrac, et le Nordic Duchess pour le transport de gaz naturel liquéfié.
La mise à jour suivante, « The Rescue Update », programmée pour le premier trimestre 2026, se concentrera sur Tide Guard avec l’arrivée des navires de sauvetage Salvation et Grace. De nouvelles missions d’intervention en mer et un port supplémentaire sont également au programme.
Les projets à plus long terme suscitent l’enthousiasme. L’arrivée du mode coopératif en ligne transformera probablement l’expérience en permettant des missions à plusieurs équipages. L’extension de la carte et l’ajout d’une troisième faction mystérieuse promettent de diversifier encore davantage le contenu.
L’éditeur de navires, s’il tient ses promesses, va pouvoir créer ses propres embarcations ou modifier les existantes, ouvrirait la voie à une communauté de modding dynamique.
Le verdict du capitaine
Seafarer: The Ship Sim réussit son entrée dans le port des simulateurs maritimes. Sans atteindre la perfection, le titre pose des bases solides pour devenir la référence du genre que nous attendions. Sa réalisation technique moderne, son gameplay et sa roadmap ambitieuse en font un investissement recommandable pour les amateurs de simulation réaliste.
Cependant, son statut d’accès anticipé impose une certaine patience. Les joueurs exigeant un produit fini et poli feront mieux d’attendre quelques mises à jour supplémentaires. Pour les autres, l’aventure maritime peut commencer dès maintenant.
Vu son état actuellement, il n’y a pas à douter que le jeu ne deviendra que meilleur une fois que son accès anticipé sera levé, mais tout dépendra aussi de la volonté de ses développeurs.
Seafarer n’est peut-être pas encore le simulateur maritime ultime, mais il en prend résolument le cap. Avec du temps et du contenu supplémentaire, il pourrait bien devenir le phare que ce genre méritait enfin d’avoir.