Keeper

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Graphismes8.3
Animation8
Jouabilité8.2
Bande son8
Intérêt9.3
8.4

Il y a des jeux qui s’offrent immédiatement, qui vous happent dès la première minute par la richesse de leur univers, la clarté de leur gameplay ou l’évidence de leur direction artistique. Et puis il y a Keeper, un jeu qui préfère se faire désirer, tester votre patience, et ne révéler ses trésors qu’à ceux qui auront la curiosité de persévérer. Développé par Double Fine, le studio fondé par Tim Schafer, l’auteur de Psychonauts, Grim Fandango et Brütal Legend, et édité par Microsoft Game Studios, Keeper appartient à cette catégorie rare des expériences qui ne cherchent pas à plaire tout de suite. Il commence modestement, presque maladroitement, avant de s’épanouir en une aventure étonnante, poétique et imprévisible.

Le premier contact est déconcertant. Le jeu démarre lentement, très lentement. Une caméra fixe, un gameplay minimaliste, des énigmes simples et une atmosphère silencieuse qui semble presque désincarnée. On avance mécaniquement, sans comprendre où tout cela veut aller. Rien n’indique la profondeur du projet, ni la folie douce qu’on associe d’ordinaire à Double Fine. On a l’impression d’un petit jeu indé comme il en existe tant, honnête mais sans relief, le genre de curiosité qu’on télécharge un soir sur le Game Pass et qu’on oublie le lendemain. À ce stade, Keeper semble vouloir décourager le joueur. Pourtant, quelque chose intrigue, une sensation discrète, comme un souffle caché sous la surface.

Progressivement, le jeu commence à s’ouvrir. Les puzzles se complexifient, la mise en scène devient plus expressive, et l’univers prend forme sous nos yeux. Les environnements gagnent en texture, en sens, et une sorte de langage visuel se met en place. Rien n’est expliqué, tout est suggéré. C’est dans ce silence que Keeper commence à trouver sa voix. On comprend alors qu’il s’agit d’une œuvre de lente maturation, construite comme un oignon dont on retire les couches une à une. Et puis, sans prévenir, survient une première transformation. Le jeu change. Il se métamorphose, littéralement. La mécanique évolue, les sensations aussi. Tout ce qu’on croyait connaître se trouve remis en question.

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À partir de là, Keeper devient fascinant. Chaque phase semble réinventer le jeu lui-même. Tantôt contemplatif, tantôt cérébral, parfois même un brin expérimental, le titre joue avec ses propres codes et surprend sans cesse. On a la sensation de parcourir plusieurs jeux en un seul, reliés par un fil invisible, celui de la créativité. Et puis arrive le moment où Keeper bascule vers une énergie nouvelle, une forme de liberté ludique inattendue. Le rythme s’accélère, la fluidité s’installe, et l’on découvre un gameplay plus vif, presque jubilatoire. En tant que joueur ayant grandi avec Sonic, j’ai ressenti à ce moment-là un vrai plaisir de mouvement, une joie simple et rare. Ce contraste entre la lenteur initiale et la vitalité de cette seconde partie est à lui seul une récompense.

La direction artistique accompagne ces changements avec une élégance particulière. Ce qui, au début, paraissait terne et figé, se colore peu à peu. Les textures gagnent en profondeur, la lumière devient plus vivante, la composition des décors se fait plus harmonieuse. On passe d’un univers dépouillé à une esthétique subtile, presque picturale, pleine de nuances et de douceur. J’aime comparer cette évolution à un plat d’anchois beurre-marinière : au premier abord, le goût semble étrange, trop marqué, mais lorsqu’on s’y attarde, on découvre une richesse insoupçonnée. C’est exactement ce que propose Keeper : un charme discret, mais durable.

Ce qui rend cette aventure si marquante, c’est sa structure même. Keeper est un jeu sur la persévérance, sur la curiosité, sur l’art de s’accrocher. Il est conçu pour être abandonné par les joueurs impatients, ceux qui attendent des explosions et des récompenses rapides. J’ai d’ailleurs remarqué, en terminant le jeu, que j’avais débloqué de nombreux succès rares, preuve que peu de gens avaient été jusqu’au bout. Et c’est bien dommage, car la dernière partie du jeu déploie une créativité et une inventivité qui méritent d’être vécues. On sent la main d’artisans qui aiment le jeu vidéo pour ce qu’il peut encore surprendre, pour sa capacité à se transformer sous le regard du joueur. Je ne peux en tous cas pas en dire de trop sans vous gâcher l’expérience du jeu. Ma discrétion sur les secrets du jeu est plus que volontaire.

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Keeper n’est pas un jeu pour tout le monde, et c’est ce qui fait sa force. Il ne cherche pas à séduire, il cherche à construire une relation. Il commence comme un brouillon, et finit comme une œuvre. Il est à la fois une expérience ludique, un puzzle narratif et une méditation sur la progression elle-même. Si vous aimez les jeux qui prennent leur temps, qui ne vous disent pas tout, et qui vous laissent la joie de la découverte, alors ne passez pas à côté. Prenez le temps d’y entrer, d’en comprendre le rythme, de vous laisser surprendre.

Car derrière ses premières heures déconcertantes se cache un trésor d’inventivité, un hommage à la curiosité du joueur et à la liberté du créateur. Keeper est de ces jeux qui ne se consomment pas : ils se méritent. Et lorsqu’on arrive au bout, on réalise qu’on vient de vivre une aventure qui, sans le dire, parle du courage de continuer, de la beauté de la transformation, et du plaisir d’être encore surpris par un médium que l’on croyait connaître par cœur.

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