Lost Soul Aside

Lost Soul Aside est développé par Ultizero Games, un projet né de l’impulsion de Yang Bing avant d’être soutenu par Sony via le China Hero Project. Sorti le 29 août 2025 sur PS5 et PC, il arrive chargé de symboles : le rêve d’un créateur devenu production d’envergure, et l’ambition d’un action-RPG spectaculaire à la croisée des influences japonaises et chinoises.
Côté intentions, la filiation est revendiquée : Devil May Cry pour la virtuosité des combos, Final Fantasy XV pour le panache et l’esthétique clinquante. Trailers et previews ont insisté sur l’action à haute intensité, les transitions air-sol fluides, les parades et esquives parfaites, la variété des armes et un compagnon-dragon métamorphe (Arena) au cœur de la grammaire de combat. Une identité qui se dessine nette : un beat’em up ultra-stylisé où chaque affrontement doit ressembler à une chorégraphie sous adrénaline.
Une histoire de déjà-vu
On incarne Kaser, jeune épéiste engagé dans une rébellion ; sa sœur Louisa disparaît lors d’une pluie de météorites qui bouleverse le monde. Des entités venues d’une autre dimension, les Kenostrix, menacent l’humanité. Kaser s’unit à Arena, un dragon de cristal doté de parole pouvant se matérialiser en différentes armes, pour une quête double : retrouver sa sœur et conjurer l’extinction.
Sur le papier, l’arc a de quoi porter. En pratique, le rythme hoquette. Les cinématiques s’enchaînent parfois sans liant, le montage coupe court à des scènes qui auraient mérité de respirer, et certains dialogues donnent l’impression d’avoir perdu une nuance à la traduction. J’ai ressenti des ellipses mal placées, pas tant un mystère maîtrisé qu’un puzzle dont des pièces manquent, avec un tempo irrégulier qui dilue l’émotion au lieu de la comprimer.
La direction d’acteurs, conjuguée à une esthétique de personnages très « figurines lustrées », nuit à l’empathie. Sourires figés, gestuelle sur-soulignée, archétypes réaffirmés : même en acceptant l’overdesign assumé, la mise en scène peine à capter l’humain sous la surface. Ça grince quand le grand sérieux côtoie des poses de fashion show ; on reste à distance.
Gameplay nerveux pour caméra capricieuse
Manette en main, la magie opère d’abord. Kaser jongle entre attaques légères/lourdes, parades et esquives aux timings millimétrés, avec une jauge d’endurance qui impose un rythme et donne du grain tactique. Le verrouillage d’ennemi structure la lisibilité, les boss affichent plusieurs barres de vie et une jauge de posture qui, une fois remplie, ouvre une fenêtre de punition. Surtout, l’ADN aérien, launchers, poursuites en l’air, chutes et relances donne au combat une verticalité savoureuse. Arena enrichit l’ensemble : soutien défensif, burst, capacités liées à une mécanique de fusion qui densifie le tempo des affrontements.
Puis vient la caméra. Elle s’emballe quand l’action déborde l’axe frontal, perd le fil sur des ennemis mobiles qui contournent, se colle aux décors en espaces étroits, a des ratés en hors-champ. Le lock ne suffit pas toujours : il stabilise l’attention mais n’empêche ni les angles morts, ni les zooms inopportuns, ni les micro-décrochages qui vous coûtent une parade parfaite. Dans les combats multi-cibles, l’alignement entre intention et cadrage se brise ; on se surprend à combattre la caméra autant que l’adversaire.
Côté réactivité, le jeu a de belles fenêtres d’animation cancel et un feedback d’impact satisfaisant. Les changements d’armes à la volée, associés aux capacités d’Arena, permettent de moduler la densité d’un combo, de passer d’un contrôle de foule à une cible isolée, d’improviser des routes qui marient panache et efficacité quand la caméra suit, ce qui n’est pas toujours le cas.
Une avancée classique, parfois maladroite
La structure est celle d’un enchaînement de couloirs avec quelques zones plus ouvertes, des respirations pour l’exploration minimale et la récupération de ressources. Le jeu alterne des segments de combat denses et des traversées plus sages, mais reste linéaire dans son ossature. Ce classicisme ne serait pas un problème si chaque détour valait l’écart ; or, on sent des murs invisibles et une signalétique utilitaire qui guident plus qu’ils n’invitent.
La personnalisation passe par des fragments d’armes qui modifient à la fois statistiques et comportement, et par l’évolution d’Arena qui débloque de nouvelles aptitudes. Sur le plan système, l’intention est riche : ajuster son build et faire émerger des styles de jeu distincts. Visuellement, en revanche, l’assemblage prête parfois à sourire, avec des greffes qui déforment les silhouettes d’armes de façon discutable. La flexibilité de fond s’accompagne d’une esthétique de forme qui divisera, et d’une lisibilité d’UI qui pourrait mieux faire dans ses premières heures.
On a le sentiment d’un tracé efficace mais trop contrôlé, qui se prive de potentiels micro-récits d’exploration capables d’épaissir l’envie du joueur.
Direction artistique et technique
La direction artistique science fantasy et esprit Manhua, temples et ruines aux reflets d’acier, déserts balayés et cités futuristes. Ce mélange d’inspirations, assumé, s’inscrit dans une filiation claire sans renier sa signature : silhouettes nerveuses, effets de particules généreux, couleurs saturées au service du spectaculaire. Quand le jeu ralentit et cadre large, certaines compositions frappent par leur équilibre et leur sens de l’échelle.
Techniquement, le jeu s’appuie sur le moteur Unreal Engine, La version PlayStation 5 standard souffre de framerate instable par moment la ou sur PS5Pro 4K dynamique et un framerate plus stable, avec la prise en charge avancée de la manette DualSense (gâchettes adaptatives, retour haptique).
Dans la pratique, mes sessions ont alterné entre fulgurances impeccables et heurts ponctuels. Les arènes vastes absorbent bien les effets, mais certaines zones resserrées cumulent post-traitements, particules et sources lumineuses qui contribuent à la saturation visuelle… et à des chutes de lisibilité. Ayant fait le jeu sur PS5Pro, La framerate est resté stable en mode performance, avec quelques à-coups lors de pics d’effets. Rien d’invalidant, mais dans un jeu où le timing est roi, ces micro-secousses se sentent. Je vous déconseille fortement de jouer ce jeu en mode qualité qui est en 30fps lock, ce genre de jeu se doit d’être joué en 60fps.
Bande-son et sound design
La bande originale privilégie une orchestration ample, parfois lyrique, qui embrasse la grandiloquence assumée du titre. En combat, les pistes poussent le côté épique et soutiennent la montée d’adrénaline sans voler la vedette au mixage des impacts. J’ai été agréablement surpris au tout début du jeu de reconnaitre que la musique To Glory de Two Steps From Hell était incluse.
Côté sensations, la DualSense fait un vrai travail de couture entre l’œil et la main : textures haptiques différenciées entre chocs, roulades, charges, impacts élémentaires, micro-pulsations sur les accumulations de jauge, tension sur gâchette lors d’une attaque chargée.
Les doublages font le job, j’ai fait le jeu en chinois car la version anglaise souffre de gros défaut de cohérence dans l’intonation, les doubleurs souffrent parfois des mêmes écueils que l’écriture : une emphase qui tombe à plat sur certains registres, des intonations qui creusent un fossé entre intention et réception. Les bruitages d’armes et de compétences, eux, sont ciselés : acier nerveux, griffes d’Arena qui mordent, charges qui crépitent, on sent la recherche d’un alphabet sonore cohérent.
Un Tarif en demi teinte
À son tarif de lancement, 69,99 € en dématérialisé et physique sur PS5, Lost Soul Aside se place au niveau des productions AAA les plus abouties du moment. Pourtant, au regard des problèmes relevés, notamment la caméra capricieuse et le rythme narratif inégal, il peine à offrir la même constance que certains concurrents vendus au même prix.
Si son système de combat et sa direction artistique peuvent rivaliser avec les meilleurs, l’expérience globale manque de finition pour justifier pleinement ce positionnement tarifaire face à des titres plus homogènes. En comparaison directe, on paie ici pour des fulgurances mémorables… mais aussi pour tolérer des défauts que d’autres productions, au même prix, ont su gommer.
Surtout quand on voit des productions récentes comme Expedition 33 ou encore Mafia : The Old Country qui sont sortis day one à 49.99€, ce que je pense aurait été plus acceptable.
Un jeu agréable plein de bonnes intentions
Lost Soul Aside m’a laissé partager entre l’euphorie des premières heures et la frustration de voir ses propres fondations entravées. Quand tout s’aligne, il propose des moments intenses, mais la caméra, souvent, rappelle qu’un jeu d’action est aussi un jeu de cadrage ; et le récit, par sa respiration irrégulière, refuse de porter l’émotion au sommet que ses enjeux suggèrent.
Est-ce un mauvais jeu ? Non. Est-ce l’excellent jeu qu’il aurait pu être ? Pas encore. C’est un titre qui se heurte à des angles qu’on espère voir polis avec des mises à jour. Si vous vivez pour les systèmes de combat techniques, que la forme peut primer sur la prose, vous y trouverez de sacrés moments. Si vous cherchez un récit qui tient la main et un spectacle sans accroc, vos nerfs et votre caméra seront mis à l’épreuve.