Type-NOISE: Shonen Shojo

51
0
Share:
Graphisme8.5
Animation8
Bande-Son8.5
Gameplay8.2
Intérêt9.2
8.5

Un labyrinthe mental signé Dank Hearts et WhisperGames

Dans le paysage saturé des visual novels et des escape games, Type-NOISE: Shonen Shojo se dresse comme une proposition audacieuse et profondément troublante. Développé par le studio japonais Dank Hearts sous la direction créative de MYU et édité par WhisperGames, ce titre sorti le 17 septembre 2025 sur PC Steam nous plonge dans les méandres tortueux de la psyché adolescente. Plus qu’un simple jeu d’énigmes, c’est un véritable voyage introspectif qui interroge notre rapport au trauma, à la mémoire et à l’acceptation de soi.

Quand les souvenirs deviennent prison

Type-NOISE: Shonen Shojo nous transporte dans Noise Scramble City, une métropole surréaliste aux allures de Tokyo déformé par les traumatismes de ses habitants. Six adolescents se réveillent dans cette cité labyrinthique sans aucun souvenir de leur arrivée : Zena Yugamizora, notre protagoniste glaciale de 15 ans passionnée par les séries de super-héros, côtoie Itsuki Hozuki rongé par la jalousie, Honoka Kirishima au scepticisme acéré, Kaito Shimizu marqué par l’exclusion, Hiyori Endou la streameuse menteuse compulsive, et Soto Ochibana, garçon indiscret mais sincère.

Le concept central du « Noise », ces fragments de souvenirs douloureux, de traumatismes et d’expériences refoulées, structure intelligemment la narration. Chaque personnage porte en lui ses propres démons : doute, jalousie, arrogance, malveillance ou cupidité. Pour s’échapper de cette prison mentale, ils devront rassembler les « Shards of Noise » dispersés dans la ville et reconstituer leurs passés fragmentés. Cette mécanique narrative évite habilement les écueils du spoiler en transformant chaque révélation en clé de progression, où comprendre le passé devient littéralement la condition de survie.

L’intrigue évite les facilités du genre en refusant de donner des réponses simples. Le jeu pose une question fondamentale : que se passe-t-il quand la seule issue face à nos traumatismes consiste précisément à les affronter ? Cette approche philosophique élève le titre bien au-dessus du simple divertissement pour en faire une réflexion mature sur la résilience psychologique.

L’art du puzzle narratif

Type-NOISE: Shonen Shojo réinvente brillamment la formule de l’escape game en y intégrant une dimension psychologique inédite. Le système de jeu repose sur plus de 40 énigmes uniques qui transcendent les simples casse-têtes logiques pour devenir des expressions tangibles des états mentaux des personnages.

La mécanique des Noise Shards constitue le cœur du gameplay. En explorant les environnements avec un système de point-and-click intuitif, les joueurs collectent ces fragments de mémoire qui, une fois assemblés, déverrouillent des flashbacks cruciaux. Ces séquences ne sont pas de simples cutscenes passives : elles fournissent les indices nécessaires pour résoudre les puzzles et progresser dans l’histoire. Cette symbiose entre narration et mécanique ludique évite l’écueil de nombreux visual novels où gameplay et récit évoluent en parallèle sans jamais se rencontrer.

LIRE AUSSI :  The Edge of Allegoria

La diversité des défis impressionne : batailles de déduction façon tribunal, puzzles musicaux basés sur la théorie, défis de logique colorimétrique, et même segments inspirés des jeux de plateau. Chaque type d’énigme reflète l’univers mental du personnage concerné, créant une cohérence thématique remarquable. Les développeurs ont eu l’intelligence de proposer un système de scan pour éviter le fastidieux « pixel hunting click » qui plombe souvent ce genre de productions.

Le jeu propose une durée de vie estimée entre 15 et 20 heures, un timing idéal qui permet d’approfondir chaque arc narratif sans étirer artificiellement l’expérience. Les multiples fins garantissent une rejouabilité appréciable, chaque choix influençant la résolution des traumatismes individuels et collectifs.

Cependant, il convient de noter une limitation importante : le jeu n’est proposé qu’en anglais, japonais et chinois (simplifié et traditionnel). L’absence de traduction française pourrait constituer un frein majeur pour les joueurs non anglophones. Considérant la densité narrative du titre et la complexité de ses thèmes psychologiques, la barrière linguistique risque de priver une partie significative du public francophone d’une expérience pourtant remarquable. Les joueurs devront donc posséder un niveau d’anglais suffisant pour appréhender les subtilités du récit et résoudre des énigmes parfois basées sur des jeux de mots ou des références culturelles spécifiques.

Une profondeur narrative riche

Au-delà de ses mécaniques ludiques, Type-NOISE: Shonen Shojo se distingue par la maturité de son approche thématique. Le jeu n’hésite pas à explorer des sujets sensibles, traumatismes psychologiques, exclusion sociale, mensonge compulsif, jalousie destructrice  avec une nuance et une empathie remarquable.

Chaque personnage bénéficie d’un développement approfondi qui évite les archétypes simplistes. Zena n’est pas qu’une héroïne froide, Itsuki dépasse le simple jaloux, et Hiyori transcende le cliché de l’influenceuse superficielle. Les environnements psychédéliques reflètent fidèlement leurs mondes intérieurs, transformant chaque décor en extension narrative.

Le personnage de Spectre, ce chat holographique énigmatique qui guide les adolescents, aurait pu tomber dans la facilité de la mascotte explicatrice. Heureusement, son rôle dépasse la simple exposition pour devenir un élément clé du mystère central de Noise Scramble City.

La structure en six histoires entrelacées évite la dispersion en maintenant un fil conducteur cohérent. Chaque arc personnel alimente la compréhension globale du phénomène, créant un ensemble narratif d’une richesse rare dans le genre.

L’esthétique de la psyché

Visuellement, Type-NOISE: Shonen Shojo fait preuve d’une identité artistique marquée qui sert parfaitement son propos narratif. Les character designs signés MYU révèlent une maîtrise certaine de l’art du portrait psychologique. Chaque personnage porte dans ses traits et sa gestuelle les stigmates de son trauma personnel, créant une galerie de portraits d’une expressivité saisissante.

Les environnements de Noise Scramble City impressionnent par leur capacité à matérialiser l’abstrait. Des égouts graffités aux salles de classe hantées par des marionnettes, chaque décor fonctionne comme une métaphore visuelle des états mentaux explorés. Cette approche surréaliste, qui évoque parfois l’univers de Persona ou de Danganronpa, réussit le difficile équilibre entre lisibilité et symbolisme.

LIRE AUSSI :  THQ Nordic Digital Showcase 2025

Les animations limitées mais efficaces donnent vie aux personnages sans tomber dans la surenchère technique. Le choix d’un style 2D permet une expressivité maximale tout en préservant la cohérence esthétique de l’ensemble.

L’écho des émotions mais sans voix …

La dimension sonore de Type-NOISE: Shonen Shojo mérite une mention particulière, bien qu’elle révèle quelques déséquilibres. La composition musicale accompagne habilement les différentes ambiances du jeu, des mélodies oppressantes des environnements clos aux thèmes plus mélancoliques des flashbacks.

L’opening « ESCAPE NOISE » donne le ton avec une énergie qui contraste intelligemment avec la gravité du propos.

Malgré quelques soucis de balance audio, particulièrement en début de partie où les volumes peuvent paraître déséquilibrés.

Les effets sonores environnementaux remplissent efficacement leur rôle atmosphérique, créant une identité sonore cohérente pour chaque zone de Noise Scramble City.

Seul regret notable : l’absence totale de doublage vocal et L’absence de voix off marque un manque cruciale qui pourrait renforcer la qualité de ce travail d’ambiance, globalement réussi.

Dans un genre où l’interprétation sonore peut démultiplier l’impact émotionnel, cette lacune se ressent particulièrement lors des moments dramatiques cruciaux. Les développeurs compensent partiellement par la qualité de l’écriture, mais l’immersion s’en trouve amoindrie.

Une réussite psychologique qui défie l’âme

Type-NOISE: Shonen Shojo s’impose comme une œuvre atypique et courageuse qui transcende les limites habituelles du visual novel. En plaçant les traumatismes psychologiques au cœur de son dispositif ludique, Dank Hearts signe une production qui interroge autant qu’elle divertit.

Le jeu réussit le pari difficile de transformer l’exploration de la souffrance mentale en expérience ludique cohérente et respectueuse. Chaque puzzle résolu devient une victoire symbolique contre l’adversité, chaque flashback déverrouillé une étape vers la guérison. Cette alchimie entre forme et fond élève le titre bien au-dessus du simple divertissement pour en faire une véritable réflexion interactive sur la résilience humaine.

Malgré l’absence regrettable de traduction française, de doublage audio et quelques défauts techniques mineurs, Type-NOISE: Shonen Shojo offre une expérience narrative d’une richesse rare. Les 15 à 20 heures de jeu se révèlent parfaitement calibrées pour approfondir chaque arc sans lasser, tandis que les multiples fins encouragent la découverte de toutes les facettes de cette œuvre complexe.

Ce titre s’adresse prioritairement aux amateurs de visual novels matures et de puzzles narratifs maîtrisant l’anglais, mais aussi à tous ceux qui cherchent dans le jeu vidéo autre chose qu’un simple défouloir. Type-NOISE: Shonen Shojo prouve que le medium peut aborder des sujets sensibles avec intelligence et empathie, ouvrant des perspectives passionnantes pour l’avenir du genre.

Share:

Leave a reply