Verho – Curse of Faces

Verho – Curse of Faces, c’est le genre de projet qui respire la passion d’un studio comme Kasur Games, aux racines humbles et à l’ambition assumée. On tient une petite équipe qui préfère fouiller les veines du RPG à l’ancienne, sans chichis. Leur éditeur s’est placé en complice, misant tout sur l’étrangeté magnétique de l’univers et la promesse d’une expérience au goût de King’s Field, un nom forcément chargé de souvenirs doux-amers pour les vieux briscards du dungeon crawler.
Les masques, la malédiction et ce goût de l’inconnu
Vous vous êtes déjà demandé ce que ça ferait de porter un masque… non pas pour se cacher, mais pour découvrir le monde ? Eh bien, Verho joue cette carte à fond. On se retrouve propulsé dans un univers torturé, où chaque visage croisé semble raconter sa propre descente aux enfers. Les premiers pas dans la cité maudite, une aventure qui invite à la solitude et au mystère
Ce choix narratif, c’est un pari. Par moments, on a l’impression de marcher à l’aveugle, relisant des extraits de journaux cryptiques ou des dialogues à double sens. Verho brille quand il laisse deviner une cohérence sous la surface, chaque masque collecté n’est pas qu’un objet d’inventaire, c’est un fragment d’histoire à reconstituer. Il faudra une bonne dose de curiosité et un solide carnet pour assembler ce puzzle,
Si on est avide d’explications ou amateur de récits linéaires, l’immersion peut s’effriter : on peut décrocher face à un univers qui, parfois, cultive un peu trop l’ellipse et le non-dit. Mais pour les amateurs d’ambiguïté et d’exploration narrative, le plaisir sera au rendez-vous. La malédiction des visages façonne l’ambiance et pousse à questionner chacune de nos rencontres.

Les énigmes du contenu
La progression ne suit jamais une ligne droite, et chaque recoin du monde m’a donné envie d’aller explorer pour assouvir ma curiosité. Chaque détour a son intérêt, que ce soit une énigme retorse nichée dans une crypte oubliée, un personnage secondaire rencontré, ou même une fausse piste menant à un trésor inattendu. L’exploration récompense ceux qui osent pousser une porte rouillée ou lire un vieux grimoire poussiéreux.
Certains segments souffrent de redondance, donnant un effet de vide en fonction des quêtes secondaires qui sont placées plus en guise de remplissage artificiel que de réel intérêt. Heureusement on peut aborder l’aventure comme on le souhaite, on n’est jamais vraiment coincé, il y a toujours une alternative.

Masqué, mais pas caché
Si vous avez connu la souffrance des premiers King’s Field ou de certains Souls-like minimalistes, le système de combat de Verho va raviver vos souvenirs. On est ici dans la pure école du timing, de l’attente, avec des frappes qui ont du poids, mais où la moindre erreur coûte cher, chaque affrontement implique de surveiller sa jauge d’endurance, de calculer le moindre pas, et de jongler avec les armes glanées en chemin.
Ce système, très old-school dans sa philosophie, force le respect mais heurte parfois par sa rigidité. Les animations manquent d’un brin de nervosité, ce qui donne une impression de lourdeur, surtout dans les premières heures. Mais dès que l’on comprend la logique interne, l’aspect punitif s’atténue, on apprend à lire les ennemis, à anticiper le placement, à jouer avec son inventaire et atout subtil du titre à changer de masque pour adapter ses compétences à la situation.

Vieux pixels ou nouvelle vague ?
Le parti-pris esthétique évoque autant le pixel-art post-moderne qu’une 3D low-res à l’ancienne, avec une palette qui oscille entre brume et ocre malade. Les environnements mettent l’accent sur la verticalité et l’oppression, chaque donjon, chaque ruelle paraît sortie des délires de surréalisme morbide.
Si l’écrin visuel se fait discret, la bande-son se charge d’installer l’ambiance, jouant au maximum la carte de la tension psychologique. On navigue entre percussions et synthés . Les morceaux savent se faire oublier pour mieux éclater lors des pics de tension ou des duels marquants.

Masquerade ou révélation ?
Verho Curse of Faces est un jeu qui divise, qui titille l’instinct d’explorateur et récompense l’audace, mais qui ne ment jamais sur ce qu’il est réellement : un RPG à l’ancienne, rugueux, riche en idées… et parfois en maladresses. J’ai pesté contre quelques animations imprécises, j’ai grogné devant des énigmes capricieuses, mais on a adoré se perdre dans cette atmosphère liminale, peuplée d’ombres et de masques fêlés.
Ce jeu est fait pour les aventuriers en quête de mystères, ceux qui aiment lire entre les lignes et apprivoiser les ténèbres… La malédiction des visages pourrait bien entraîner des nuits blanches à reconstituer chaque pièce du puzzle.
Verho, c’est un miroir. On y voit ce que l’on cherche, et parfois ce que l’on craint de découvrir.




