Gloomy Eyes

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Graphismes8.8
Animation8.8
jouabilité9
Bande son9.3
Intérêt9.3
9

    Fishing Cactus, le studio belge qu’on ne présente plus, s’associe ici à Arte pour donner vie à Gloomy Eyes, une aventure qui mélange puzzle, infiltration et narration dans un univers qui a tout pour séduire les amateurs d’ambiances travaillées. Dès les premières minutes, on pense évidemment à Tim Burton : les personnages aux grands yeux, les décors gothiques, le mélange de glauque et de mignon, tout rappelle ses films d’animation. Mais l’influence ne s’arrête pas là. L’atmosphère évoque aussi Little Nightmares, avec son côté sombre et enfantin, tandis que le gameplay n’est pas sans rappeler Bayonetta Origins: Cereza and the Lost Demon, ce spin-off surprenant où la coopération entre protagonistes était au cœur de l’expérience.

On incarne ici deux personnages : Gloomy, un garçon-zombie qui redoute la lumière, et Nena, une humaine qui refuse de céder à la haine de son entourage envers les morts-vivants. Ce duo improbable crée une dynamique intéressante, car chaque héros a ses propres spécificités. Avec Nena, on interagit avec le décor, on active des mécanismes ou on déplace des objets. Avec Gloomy, au contraire, il faut composer avec la lumière, l’éteindre ou détourner son faisceau pour progresser. Ce renversement est surprenant : un zombie qui fuit la lumière, comme s’il était un vampire, mais l’idée fonctionne très bien, d’autant qu’elle impose une réflexion différente et enrichit la construction des énigmes.

Le jeu propose des niveaux sous forme de dioramas, que l’on observe et fait tourner comme dans Captain Toad: Treasure Tracker. Ce choix de mise en scène permet non seulement de chercher des indices ou des passages cachés, mais aussi d’offrir un vrai spectacle visuel. Les caméras sur rails multiplient les travellings et les zooms, créant de superbes mises en abyme qui accentuent le côté cinématographique. La gestion des éclairages est particulièrement réussie : les zones s’illuminent puis s’éteignent au fil de notre progression, et la lumière devient un élément dramatique à part entière. On sent un vrai sens de la mise en scène, où chaque plan est pensé pour renforcer l’atmosphère.

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Côté gameplay, Gloomy Eyes mise sur la clarté. Il s’agit d’actionner des interrupteurs, de trouver des clés, de manipuler des objets pour déverrouiller la suite du parcours. Des phases d’infiltration viennent casser le rythme, tout comme des énigmes de réflexion qui demandent de jongler entre les deux personnages. La fluidité des animations et la lisibilité générale facilitent la prise en main et rendent l’expérience agréable. On retrouve ce plaisir simple de résoudre des situations, sans jamais se perdre dans des mécaniques trop complexes.

Reste que l’aventure est assez courte. Chaque chapitre se boucle rapidement, et on avance sans grande difficulté. Certains dioramas sont un peu trop linéaires et n’exploitent pas pleinement l’idée de la rotation ou du changement de perspective. Mais la beauté de l’ensemble, la cohérence artistique et la mise en scène compensent largement cette brièveté. Après quelques chapitres, on sent déjà que le jeu a dit l’essentiel de son concept, mais il continue malgré tout de surprendre par ses trouvailles visuelles et son ambiance unique tout en complexifiant le level design.

Il faut aussi rappeler que Gloomy Eyes n’est pas né comme un simple jeu vidéo. À l’origine, il s’agit d’un film d’animation en réalité virtuelle, sorti en 2019 et récompensé au Festival d’Annecy. Narré par Colin Farrell dans la version originale du film, ce court-métrage en trois chapitres plongeait déjà le spectateur dans un monde où le soleil ne se levait plus, où Gloomy et Nena tentaient de braver les préjugés. Le passage du cinéma VR au jeu vidéo conserve cette identité forte, tout en offrant une dimension interactive qui enrichit la narration.

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La magie de Gloomy Eyes tient aussi à son ambiance sonore. Les musiques, splendides, enveloppent le joueur dans une atmosphère mélancolique et féérique, à la fois sombre et pleine de tendresse. Chaque note accompagne parfaitement les situations, qu’il s’agisse d’explorer des ruelles brumeuses ou de se retrouver face à un danger. C’est une bande-son qui sublime l’expérience et qui reste en mémoire longtemps après avoir posé la manette.

Mais ce qui m’a particulièrement marqué, ce sont les thématiques et les lieux traversés. Le parc d’attractions avec ses lumières nocturnes et son aura fantomatique n’ont pu que me plaire. Quant au manoir hanté, il évoque immanquablement Luigi’s Mansion, dans une version plus gothique et contemplative. Ces décors ne sont pas de simples arrière-plans : ils nourrissent le côté énigmatique des puzzles.

Gloomy Eyes est donc une petite perle, à mi-chemin entre le film d’animation et le puzzle-game narratif. Sa poésie macabre, sa direction artistique inspirée et son gameplay clair en font une expérience qui séduira les amateurs de jeux contemplatifs et atypiques. Certes, les joueurs en quête de durée de vie ou de challenge risquent de rester sur leur faim, mais pour ceux qui aiment se laisser bercer par une atmosphère forte, ce voyage dans l’obscurité se révèle lumineux.

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