Towa and the Guardians of the Sacred Tree

On se souvient encore du doux parfum d’aventure qui émanait de Doraemon Story of Seasons, fruit du talent de Brownies Inc. Aujourd’hui, le studio japonais renoue avec la magie, mais dans un registre plus sombre et plus exigeant… celui du roguelite. Towa and the Guardians of the Sacred Tree, édité par Bandai Namco Entertainment, nous invite à incarner Towa, prêtresse gardienne de l’arbre sacré Shinju, dans une lutte acharnée contre Magatsu, divinité corruptrice venue semer le chaos.
Cette nouvelle production mise avant tout sur son identité culturelle forte du folklore japonais, son esthétique de conte peint à la main et des mécaniques de combat en duo inédites pour se faire une place dans un genre dominé par des mastodontes comme Hades. Mais dans quelle mesure ce titre remplit-il ses promesses ?
L’Arbre Qui Cache la Forêt où Temps et Sacrifice s’entrelacent
L’enjeu narratif de Towa and the Guardians of the Sacred Tree repose sur la tragédie mais aussi un concept assez inédit : chaque tentative de sceller Magatsu se conclut par un échec, dispersant Towa et ses huit gardiens à travers différentes époques. On découvre ainsi un village de Shinju vivant, vibrionnant, qui évolue entre nos expéditions. À chaque retour, on n’explore plus un simple hub, mais un écosystème qui se transforme : les enfants grandissent, les artisans perfectionnent leur art et même les relations se tissent où se défont.
Le cœur du drame réside dans le Kanhaburu, rituel sacrificiel où l’on doit abandonner définitivement l’un de ses compagnons en échange d’un pouvoir renforcé pour la tentative suivante. Contrairement aux morts temporaires habituelles, ici le sacrifice s’inscrit dans la mémoire de Shinju et creuse un vrai dilemme moral. On sent au fil des runs le poids du choix, tant pour l’équilibre du village que pour l’attachement qu’on a développé à chaque personnage, cette situation m’a provoqué un ressenti qu’on ne rencontre que rarement dans le genre.
J’ai apprécié par-dessus toute la cohérence culturelle : l’inspiration puisée dans le folklore japonais, des yokai aux divinités shintoïstes, fait battre le cœur de ce récit. Chaque villageois a son histoire, parfois banale, parfois déchirante, montrant le sentiment d’une communauté authentique. Brownies parvient à conjuguer la répétition inhérente aux roguelites et l’attachement narratif, une prouesse qui mérite d’être saluée.
Le Duo Tsurugi-Kagura à l’Épreuve du Feu
Towa innove dans le roguelite avec son système de combat en binôme : d’un côté, le Tsurugi, maître du sabre et du combat rapproché ; de l’autre, le Kagura, porteur du bâton sacré et soutien magique. Cette mécanique oblige à gérer simultanément deux avatars, variant constamment entre assauts directs et soutien à distance.
L’ergonomie de la manette est parfaitement exploitée : le stick gauche oriente Towa, tandis que le stick droit dirige le gardien (on peut aussi laisser le gardien en mode suivi automatique), et chaque gâchette déclenche l’attaque particulière de chacun.
On forme nos duos selon nos affinités et le défi prévu, mais on finit souvent par adopter un couple favori, là où le titre aurait peut-être gagné à encourager plus fortement la rotation de ses protagonistes.
Chaque sabre possède sa propre endurance, et lorsqu’elle s’épuise, on subit un malus de dégâts considérable. À première vue, cela promet une gestion stratégique des ressources, mais on réalise rapidement que l’on peut simplement alterner entre deux lames pour restaurer instantanément leur durabilité.
Cela nous incite à privilégier l’exploitation de la mécanique plutôt qu’une vraie réflexion sur le choix des armes. On reste conscient du potentiel stratégique, mais il souffre d’une exécution perfectible.
Les Grâces, ces améliorations temporaires obtenues en cours de run, apportent leur lot de modifications de statistiques, d’effets élémentaires ou de bonus spécifiques. Bien qu’efficaces, elles manquent parfois de synergies profondes, donnant l’impression d’un choix trop superficiel. Les runs gagnent en intensité, mais la progression entre les expéditions, via l’amélioration du village et la forge d’armes, reste le véritable moteur du jeu pour profiter de notre progression.
Un Japon Peint à la Main
Le jeu est une ode visuelle aux estampes japonaises : décors aquarellés, contours délicats et palette de couleurs inspirée des saisons. Chaque niveau, qu’il s’agisse des forêts embrumées ou des temples envahis par la végétation, semble sorti d’un rouleau du XVIIᵉ siècle animé. Cela confère au jeu une poésie envoutante.
Les personnages, eux aussi, bénéficient d’un soin particulier. Les visages et les animations faciales, surtout lors des moments narratifs, dégagent une expressivité rare. L’animation en combat, bien que moins fluide que dans un hack-and-slash AAA, reste suffisamment nerveuse pour dynamiser l’action et faire exploser les sorts ou les coups de sabre avec panache.
Une Optimisation Exemplaire, Quelques Germes d’Imperfection
Sur Xbox Series X, l’expérience technique atteint son zénith. Les options graphiques nous offrent un choix entre mode qualité (30 fps constant en 4K) et mode performance (60 fps en 1080p sans compromis sur la qualité des textures). Durant mes sessions, le mode performance a maintenu une fluidité irréprochable, même quand l’écran est envahi de particules et d’effets pendant les affrontements contre les boss. Comme d’habitude je vous recommande ce mode.
Les temps de chargement, quant à eux, sont réduits à leur plus simple expression, moins de cinq secondes pour passer du menu principal à la sélection d’une run, et une transition quasi instantanée entre les zones.
La Xbox Series S, pour sa part, propose une expérience similaire en 1080p, avec quelques concessions sur la résolution des ombres et des reflets. Les chutes de framerate restent quasi inexistantes, sauf dans les phases de temple final où le nombre d’effets et de particules atteint son apogée.
J’ai ressenti quelques micros chutes de framerate dans les environnements ouverts, notamment lorsqu’un grand nombre d’ennemis apparaît simultanément. Ces rares ralentissements mineurs peuvent perturber votre élan en plein combat, mais cela reste toujours moins dérangeant que contre un boss. De plus, le système de caméra, légèrement trop près de l’action, peut parfois masquer certaines animations de l’arrière-garde lors des assauts coordonnés.
Enfin, les parties en coop local, implémenté via l’écran partagé, souffrent d’un léger flou dans les textures lorsque les deux joueurs effectuent des actions opposées. Cela n’entrave pas l’expérience solo, mais une mise à jour suffirait je pense pour rendre une utilisation coopérative plus fluide.
Le Chant des Feuilles par Hitoshi Sakimoto
Hitoshi Sakimoto, compositeur star de Final Fantasy XII et de la série Valkyria Chronicles (faites cette saga si vous ne connaissez pas), signe ici l’une de ses plus belles partitions pour un roguelite. La bande-son, oscillant entre thèmes sereins du village et rythmes épiques des combats, enveloppe l’aventure d’une aura envoûtante.
Les mélodies quotidiennes de Shinju adoptent un ton lofi et organique, mêlant flûtes traditionnelles et percussions légères, parfaites pour accompagner nos instants de forge ou de discussions avec les PNJ.
À l’inverse, l’affrontement des Magaori déclenche des orchestrations plus puissantes, violons dramatiques et cuivres retentissants, instaurant une montée d’adrénaline maîtrisée.
Le Dolby Atmos magnifie la dimension spatiale, permettant de localiser les ennemis par leurs cris et de ressentir les vibrations magiques environnantes. Les effets sonores, du claquement sec des lames à la résonance mystique des sorts, sont calibrés avec soin et feront la joie de vos voisins ou de votre famille.
Un Village Toujours Vivant, une Run Jamais Identique
La richesse de Towa réside autant dans sa narration évolutive que dans l’étendue de son contenu. Chaque gardien débloqué apporte non seulement de nouvelles compétences, mais aussi des quêtes secondaires qui dévoilent son passé et ses motivations. Ces objectifs annexes, parfois générés aléatoirement, offrent une certaine variété non négligeable, même si certaines missions se ressemblent après plusieurs dizaines d’heures.
La personnalisation des armes via un mini-jeu de forge, mêlant timing et précision, prolonge la rejouabilité en transformant chaque lame en projet créatif. On repart ainsi armé d’une épée unique, reflet de notre habileté, pour tenter un nouveau run. Le système de Grâces et de reliques récoltées en cours de partie complète le tableau, même si on regrette parfois l’absence de synergies plus poussées pour varier davantage les stratégies.
Ce roguelite propose une bonne quarantaine d’heures de contenu, ce qui est excellent surtout pour un jeu à un tarif de 29.99€. Les joueurs venus chercher un défi narratif et tactique y trouveront leur compte, tandis que les amateurs de runs purement axés sur le skill pourraient lui préférer un Hades plus nerveux.
Un Voyage qui Mue à Travers les Âges et les Lames
Towa and the Guardians of the Sacred Tree s’impose comme un pari réussi pour Brownies Inc. Le studio prouve qu’il peut quitter ses terres agricoles pour explorer les contrées du roguelite sans perdre son identité visuelle et narrative. Son système de combat en duo, malgré quelques faiblesses dans la gestion de la durabilité, renouvelle le genre, tandis que la progression temporelle de son village crée un attachement émotionnel rare.
La version Series X bénéficie d’un portage soigné, d’une fluidité exemplaire et d’une intégration manette optimale, garantissant un confort de jeu total. La bande-son majestueuse de Hitoshi Sakimoto sublime chaque instant, des débats autour du feu de camp aux confrontations finales. Quelques ralentissements et imprécisions de caméra viennent bousculer l’équilibre, mais jamais ne brisent l’enchantement.
Au prix de 29,99 €, Towa convient à ceux qui cherchent un roguelite à l’âme japonaise, capable de faire vibrer le cœur autant que l’épée, ce qui fut mon cas. Il ne cherche pas à détrôner les ténors du genre, mais il trace son propre sillage, entre sacrifice et renaissance, et nous rappelle que chaque run est une histoire à part entière. On referme ce conte peint à la main avec la sensation d’avoir participé à un rite ancien, où l’on renaît à chaque “game over” pour mieux redécouvrir la beauté d’un Japon mystique.