Call Of Duty : Black Ops 7

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Graphismes6.8
Animation8.2
Jouabilité8.4
Bande son8.1
Intérêt5
7.3

Call of Duty: Black Ops 7 arrive avec un bagage énorme et une pression gigantesque sur les épaules, car la série traverse une période où elle cherche clairement à se réinventer sans perdre son identité. Chaque nouvel épisode doit être un événement, attirer une audience massive, fédérer des millions de joueurs et répondre à des attentes souvent contradictoires. Cette année, la stratégie adoptée par Treyarch risque de surprendre, et pas forcément dans le sens espéré, car la formule solo, historiquement l’un des arguments principaux des Black Ops, s’éloigne drastiquement du cinéma interactif pour aller vers une expérience coopérative en zones ouvertes qui change en profondeur la nature du jeu. On sent immédiatement que le projet a été pensé autrement, que les contraintes d’une campagne entièrement jouable à plusieurs ont remodelé l’ossature même de l’aventure, y compris sur le plan visuel, narratif et ludique. Là où les anciens épisodes ressemblaient à des montagnes russes parfaitement calibrées, ce septième volet donne l’impression d’être un compromis permanent entre ambition, faisabilité et cohérence, et il suffit de quelques minutes de jeu pour comprendre que cette direction ne plaira pas à tout le monde.

Le choix de baser la campagne sur la coopération transforme non seulement le rythme mais aussi la manière dont les environnements sont construits. Au lieu de couloirs étroits et de séquences hyper contrôlées (qui permettaient d’afficher des graphismes très détaillés avec des éclairages soignés et une mise en scène forte), on se retrouve dans des cartes plus larges, parfois presque ouvertes, où la densité du décor varie beaucoup d’une zone à l’autre. Les assets doivent être visibles de loin, les systèmes de   spawn repensés, les points d’entrée et de sortie multipliés, ce qui signifie mécaniquement que le niveau de finition visuelle ne peut plus être aussi homogène. Les intérieurs restent relativement réussis, car ils bénéficient d’un cadre plus contrôlé, mais dès que l’on sort, on constate que la série n’a pas été pensée historiquement pour de si grands espaces, et le moteur graphique commence à accuser le coup. Alors que d’autres licences ont su optimiser leurs outils pour des environnements ouverts (on peut citer Ghost Recon, Far Cry ou même certains opus récents d’Assassin’s Creed), Call of Duty apparaît ici en territoire étranger. On sent la volonté d’élargir l’horizon, mais aussi l’incapacité du moteur actuel à rivaliser avec les standards visuels modernes lorsqu’il doit gérer lumière, météo, particules, pathfinding et IA sur des surfaces étendues.

L’impact sur la mise en scène est également très net. Les campagnes Black Ops ont toujours été réputées pour leur intensité cinématographique, parfois excessive, mais toujours spectaculaire. Ce n’est plus vraiment le cas cette année. La coop impose un rythme moins linéaire, moins maîtrisé, et surtout moins propice aux instants mémorables qui nécessitent un contrôle total du joueur. Les développeurs ne peuvent plus compter sur les scripts millimétrés qui faisaient la réputation de la saga, car une mission doit désormais fonctionner aussi bien seul qu’à quatre, avec des joueurs qui avancent à des vitesses différentes, qui peuvent se séparer, se réanimer, se perdre, ou déclencher des événements dans un ordre imprévisible. Pour pallier cela, le jeu propose davantage d’objectifs répétitifs, des phases de nettoyage de zones, des séquences où l’on active une console, escorte un véhicule ou défend une position pendant que les partenaires couvrent les angles. Cela fonctionne correctement, mais ce n’est pas ce que l’on vient chercher dans une campagne de Call of Duty. Le côté « montagne russe » a été remplacé par une structure plus fonctionnelle, plus systémique, presque plus proche d’un shooter coopératif classique que d’un blockbuster militaire.

Cette structure coop rend également le scénario plus difficile à mettre en valeur. Black Ops 7 poursuit les thématiques psychologiques introduites dans l’épisode précédent, avec des visions hallucinées, des manipulations mentales et des distorsions de la réalité. L’intention est louable, mais l’exécution manque de finesse, car le jeu semble constamment hésiter entre une narration militaire sérieuse et un virage vers le fantastique et la science-fiction qui déroute totalement. Les environnements flottants façon Pandora, les structures impossibles qui apparaissent au milieu d’un terrain militaire, la fameuse poudre rouge omniprésente qui rappelle étrangement la toxine écarlate de la série V, tout cela donne l’impression d’un gloubi-boulga narratif où des idées potentiellement intéressantes cohabitent avec des propositions absurdes. On assiste parfois à des visions surréalistes, comme ces machettes géantes de la taille d’un immeuble qui tombent du ciel sans véritable justification, ou ces zones où la physique semble disparaître. Malheureusement, ces éléments auraient peut-être fonctionné dans un spin-off expérimental, mais intégrés dans une campagne numérotée, ils créent surtout une dissonance tonale difficile à ignorer. On se retrouve à jouer un épisode officiellement militaire, mais qui s’autorise des excursions dans un fantastique borderline qui n’a rien à envier à certains FPS indépendants expérimentaux. Et cette incohérence globale affaiblit considérablement la portée émotionnelle du récit.

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Techniquement, le moteur commence clairement à accuser son âge. Call of Duty a longtemps été une vitrine technologique, mais ce n’est plus le cas. Les textures sont propres, mais rarement impressionnantes. Les personnages sont bien modélisés, mais sans cette finesse qui caractérise les plus grands AAA actuels. La série a beau optimiser son moteur d’année en année, celui-ci a atteint ses limites face aux standards imposés par les mastodontes du marché. Les productions récentes ont démontré des solutions technologiques nettement plus avancées, notamment en matière d’éclairage global, de brume volumétrique, de particules dynamiques et de rendu atmosphérique. Le jeu garde heureusement une fluidité exemplaire sur Xbox Series X, mais l’aspect « next-gen » se fait rare. On multiplie les moments où l’on remarque un pop-in d’ombre, une texture tardive, une animation de PNJ mécanique, un effet de particule basique ou une gestion simplifiée de la physique. Lorsque l’on se retrouve dans de vastes environnements, la densité est souvent sacrifiée, avec des zones étrangement vides ou des éléments répétés pour remplir l’espace. Cela contraste fortement avec la direction artistique ambitieuse de certains segments plus fermés, donnant un résultat très irrégulier visuellement.

Le gameplay reste heureusement le pilier le plus solide du jeu. Les sensations de tir sont toujours aussi efficaces, nerveuses et précises. Les armes répondent parfaitement, les impacts sont satisfaisants, et la manette Xbox Series X fait des merveilles avec la vibration fine et les micro-retours qui accompagneront chaque décharge. La mécanique de sprint tactique, le sliding, les changements de position, tout est impeccablement calibré. On reconnaît immédiatement la patte Call of Duty, cet ADN qui permet de prendre le jeu en main en quelques secondes avec un plaisir instantané. Pourtant, même ici, l’ouverture des cartes vient perturber le rythme. Certaines missions misent énormément sur la verticalité et sur la variété des approches, ce qui est une bonne idée en soi, mais d’autres donnent l’impression d’allonger artificiellement la durée en multipliant les objectifs similaires. On effectue les mêmes actions plusieurs fois au cours d’une mission, comme si le jeu cherchait à combler l’espace mais sans trouver la bonne manière de le structurer. La coop aurait pu amener une dimension tactique intéressante, mais elle se limite souvent à se répartir les angles et à ressusciter les partenaires, ce qui manque de profondeur pour une campagne censée renouveler la formule.

Le multijoueur, comme toujours, reste un pilier central du jeu, mais même ici, les innovations sont timides. La vitesse et la nervosité sont au rendez-vous, les sensations sont excellentes, mais on retrouve beaucoup de maps recyclées ou inspirées d’anciens opus, avec des variations visuelles légères. Les nouveaux modes sont efficaces, mais aucun ne révolutionne vraiment l’expérience. Techniquement, le netcode est solide, les collisions sont précises, la lisibilité générale est bonne… mais on sent une certaine stagnation. L’équilibrage des armes oscille encore beaucoup en début de saison, les spécialistes manquent d’impact, et la progression n’offre rien de vraiment neuf. C’est un multijoueur efficace, fun, fonctionnel, mais qui tourne un peu en rond, comme s’il s’agissait d’une version améliorée de l’an passé plutôt que d’une nouvelle étape majeure.

Le mode Zombies, lui, poursuit la transformation amorcée depuis quelques années : davantage de monde ouvert, davantage d’objectifs dynamiques, un gameplay plus « extraction » que pure survie. Cela plaira à certains, mais risque de déstabiliser les fans historiques. La structure est plus permissive, mais également plus répétitive, avec des zones qui manquent de personnalité et une direction artistique qui hésite entre l’horreur, le fantastique, la science-fiction et des éléments presque comiques. Les ennemis sont variés mais souvent recyclés, les affrontements manquent de lisibilité, et la surenchère visuelle finit par diluer l’atmosphère. C’est amusant par sessions courtes, mais difficilement mémorable.

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L’ambiance sonore, en revanche, reste un modèle du genre. Les armes ont un punch impressionnant, les explosions sont d’une précision remarquable, et la spatialisation reste un des grands atouts de la série. Les dialogues sont bien joués, les radios créent une atmosphère authentique, et les bruitages participent à maintenir un certain réalisme même lorsque l’écran montre des visions qui semblent sortir d’un autre genre. Le sound design reste la vraie force de cet épisode, une valeur sûre qui sauve de nombreux passages du manque d’impact visuel.

Call of Duty: Black Ops 7 donne néanmoins l’impression d’être un épisode en transition, un opus intermédiaire où la série essaie quelque chose de radical sans disposer des outils technologiques suffisamment solides pour soutenir cette ambition. L’ouverture des cartes, la coop intégrale, les séquences psychédéliques et la volonté de rompre avec les scripts traditionnels sont des idées courageuses, mais leur mise en œuvre manque trop souvent de cohérence, de direction claire et d’une vision artistique stable. On se retrouve face à un jeu qui veut tout faire en même temps et qui finit par se diluer dans une identité trouble. Lorsqu’on sort de la campagne, on se dit qu’on aurait préféré un retour à quelque chose de plus maîtrisé, de plus réaliste, de plus ancré dans les codes narratifs qui ont fait la force des Black Ops.

Pour l’avenir, on espère une refonte technique complète, un moteur repensé pour des environnements dynamiques et des éclairages réalistes, ainsi qu’un recentrage narratif plus net. La série a toujours réussi à se réinventer par cycles, et Black Ops 7 ressemble moins à une véritable nouvelle direction qu’à un test grandeur nature de ce que pourrait être l’avenir de Call of Duty. On en ressort intrigué, parfois frustré, souvent perplexe, mais toujours convaincu que la série vaut mieux que ce mélange bancal entre réalisme militaire et délires fantastiques. Dans une industrie où la concurrence innove à grande vitesse, il devient impératif que Call of Duty ne se contente plus de colmater les brèches mais entame une vraie reconstruction. Le potentiel est là, mais il faudra l’exploiter avec plus de maîtrise et de discernement pour éviter que la série ne s’égare davantage.

Au final, Call of Duty: Black Ops 7 est un épisode audacieux mais profondément déséquilibré. Sa campagne, pourtant annoncée comme un événement, ne parvient pas à impressionner à cause d’un moteur vieillissant, d’une direction artistique incohérente et d’une structure ouverte qui affaiblit la mise en scène. Le multijoueur est solide mais stagnante, et le mode Zombies s’éloigne encore davantage de ce qui faisait son charme initial. Le gameplay reste excellent, mais l’enrobage ne tient plus la comparaison avec les productions contemporaines. On a l’impression que la série est arrivée au bout de ce que son moteur peut offrir, et que sans une refonte totale, elle restera enfermée dans une boucle d’itérations annuelles trop limitées pour surprendre.

Je ne peux m’empêcher de penser que cet épisode manque sa cible. Il a des qualités, il a des idées, il ose des choses… mais il s’éloigne trop de ce qu’on attend d’un Black Ops. Pour la prochaine fois, il faudra recentrer l’expérience sur ce qui a fait le succès de la licence : une narration forte, une mise en scène percutante, un réalisme immersif, et surtout une vraie ambition technologique qui redonne à Call of Duty son statut de vitrine. Black Ops 7 n’est pas un mauvais jeu, il est correct, parfois même très bon, mais c’est l’un des épisodes les plus déconcertants de la série. Et pour un géant de cette envergure, cela ne suffit plus.

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