The Edge of Allegoria

Button Factory Games et CobraTekku Games nous livrent avec The Edge of Allegoria un RPG au tour par tour qui ne manque pas d’audace. Développé par Joe Picknell, ce titre canadien entend bousculer les codes du genre avec son humour décalé et son esthétique Game Boy assumée. Loin des conventions sages du RPG traditionnel, cette aventure nous plonge dans un univers où la crise de la quarantaine se mue en quête épique déjantée.
Une histoire sous l’humour noir
The Edge of Allegoria nous présente un protagoniste en pleine crise existentielle qui décide de partir à l’aventure dans le monde d’Allegoria. Cette prémisse, somme toute classique, prend rapidement une tournure inattendue grâce à un ton résolument adulte. On peut immédiatement constater que le jeu ne s’embarrasse d’aucune pudeur : langage cru, références sexuelles, usage de drogues et violence assumée constituent le quotidien de ce monde.

L’histoire elle-même reste volontairement minimaliste, enterrée « sous plusieurs couches de folie et de débauche » comme l’affirme le jeu lui-même. Cette approche méta-narrative fonctionne plutôt bien, le titre assumant pleinement son côté déjanté sans prétendre révolutionner le RPG. Les dialogues des PNJ, bien que parfois répétitifs, participent à créer une atmosphère unique où chaque interaction peut réserver son lot de surprises.
Simplicité nostalgique rime avec efficacité
Le système de combat au tour par tour de The Edge of Allegoria puise directement dans l’héritage des classiques de la Game Boy, particulièrement Pokémon. On peut cependant apprécier que le jeu propose sa propre approche avec un système de maîtrise des armes particulièrement développé. Avec 96 armes différentes disponibles, chacune possédant ses propres compétences, le titre encourage l’expérimentation.

Le principe est simple mais addictif : équiper une arme, la maîtriser à travers plusieurs combats, puis conserver définitivement ses statistiques et compétences. Cette mécanique pousse naturellement à renouveler constamment son équipement, évitant ainsi l’écueil de s’attacher trop longtemps à une arme devenue obsolète. On peut y voir une subtile critique du conservatisme des RPG traditionnels.

Les combos d’effets de statut ajoutent une dimension tactique bienvenue. Infliger des saignements pour ensuite exploiter cette faiblesse avec d’autres armes crée des synergies satisfaisantes qui récompensent la planification. Toutefois, l’absence d’informations détaillées sur les statistiques des équipements peut frustrer les joueurs méticuleux.
Un contenu généreux mais inégal
Avec plus de 145 types d’ennemis, 41 boss, 31 donjons et 6 divinités à affronter, The Edge of Allegoria ne lésine pas sur la quantité. L’exploration du monde d’Allegoria révèle une carte vaste parsemée de secrets et de quêtes annexes. Le titre propose une durée de vie conséquente de 20 à 30 heures, ce qui constitue un excellent rapport qualité-prix pour son tarif de 24,99€.

Cependant, cette générosité a son revers. Les combats peuvent devenir répétitifs à la longue, malgré la variété des ennemis. La carte, bien qu’étendue, souffre parfois d’un manque de clarté dans sa présentation, rendant la navigation moins intuitive qu’espéré. On peut également regretter que certains mécanismes du jeu ne soient pas suffisamment expliqués, forçant le joueur à découvrir par tâtonnements.
Une bande sonore qui Tune l’esprit rétro
L’univers sonore de The Edge of Allegoria s’inscrit parfaitement dans l’esthétique Game Boy revendiquée. Les compositions chiptune de Joe Picknell accompagnent efficacement l’aventure sans jamais se démarquer outre mesure. La bande originale, disponible séparément, comprend des titres aux noms évocateurs comme « My Goodness! », « Oh Shit! » et « Holy Fucknuts! », reflétant parfaitement l’esprit irrévérencieux du jeu.

Si la musique ne révolutionne rien, elle remplit parfaitement son rôle d’ambiance nostalgique rappelant nos bonnes consoles 8bits. On peut apprécier la cohérence avec laquelle l’univers sonore sert la proposition esthétique générale du titre.
une surprise pixelisée
The Edge of Allegoria constitue une proposition originale dans le paysage des RPG rétro contemporains. Button Factory Games livre un titre qui, malgré ses défauts évidents, possède une personnalité affirmée et une mécanique de jeu solide. Son humour noir ne séduira certes pas tous les joueurs, mais ceux qui adhèrent à son ton décalé y trouveront une aventure généreuse et divertissante.
On peut recommander ce titre aux amateurs de RPG au tour par tour cherchant une expérience différente, à condition d’accepter son côté délibérément irrévérencieux. The Edge of Allegoria prouve qu’il est encore possible d’innover dans les codes établis, même avec des moyens modestes et une équipe réduite. Un pari risqué mais globalement réussi pour ce studio canadien qui signe là un premier titre prometteur.




